Révision d’Histoire – la fierté au bon endroit

Révision d’Histoire – la fierté au bon endroit - Par Aroll Exama

 

Haïti vient de fêter son drapeau, créé il y a 212 ans, avec l’énergie motrice de la cérémonie vodou du Bois-Caïman, selon l’histoire officielle, faut-il préciser. À travers un dessin (vèvè) sur l’épée d’un Immortel, filsglorifié d’Haïti, le vodou vient de faire son entrée à l’académie française. Loin de moi l’idée de diminuer ou de condamner le vodou (que je connais d’ailleurs très mal), mais une révision de l’Histoire s’impose si on souhaite que les Haïtiens mettent leur fierté au bon endroit quand ils veulent  s’inspirer du passé pour façonner l’avenir.

 

Bookman, le personnage clé du Bois-Caïman, n’était pas forcément un prêtre vodou, mais plutôt un prêtre Musulman devenu esclave anglais en Jamaïque. Son surnom de Bookman « l’homme du livre » vient de son habitude de lire le Coran selon Sylviane Diouf dans son livre Les Musulmans africains rendus esclaves aux Amériques.  Bookman fut donc par la suite vendu par son maitre anglais précisément  parce qu’il tentait d’apprendre à lire et à écrire aux esclaves dont il avait la supervision. Dès son arrivée à Saint Domingue, il aurait commencé à réunir les esclaves pour leur enseigner le Coran et fomenter la révolte.

 

On devine que tout cela ne peut se faire qu’en cachette, dans les bois ou plus spécifiquement dans une zone très boisée, à l’abri des regards indiscrets. Et puisque Bookman leur enseignait le Coran (et la révolte en prime, une forme d’école islamique, pourrait-on dire), les autres esclaves le considéraient comme un prêtre musulman. Maintenant, comment appelle un prêtre musulman ?  Imam! Et comment dit-on en créole Allons dans les bois chez l’Imam ? « AN AL NANBWA KAY IMAM » d’où le terme Bois Caïman.

 

Bookman, un musulman, un prêtre musulman par surcroit se situe bien loin, à l’opposé même du prêtre vaudou qui aurait bu du sang de cochon lors de la cérémonie ayant marqué le déclenchement de la révolte victorieuse des esclaves noirs de Saint-Domingue. Mais, comment est-on arrivé à une version différente dans l’histoire officielle? L’historien Claude Moïse a expliqué l’origine de ce problème dans son ouvrage « Dictionnaire de la révolution Haïtienne » paru en 2008.

 

Ce n’est donc pas une cérémonie vodou qui nous a donné notre indépendance, mais plutôt une révolte bien planifiée par des esclaves intelligents, déterminés et disciplinés.Haïti n’a jamais signé de contrat avec aucunesprit pour sa libération. En toute objectivité, je doute même que les esclaves aient fait appel  au Dieu de la Bible dans leur lutte pour la liberté puisque c’est au nom même du Dieu de la Bible qu’on les a asservis et maintenus en esclavage.

 

J’espère que cette courte révision de notre Histoire ramène dans nos cœurs l’idéal de nos ancêtres et la discipline qui ont rendu cet exploit possible.  Oui, vous avez bien lu ; j’ai dit DISCIPLINE, le mot qui dérange et que nous essayons d’effacer de notre vie collective et de nos projets par tous les moyens. À part Henry Christophe (et peut-être quelques autres que j’ignore), nous avons très tôt tourné le dos à cette discipline(militaire et stratégique) qui nous a donné un pays et protégé ce pays des vautours impatients de le reconquérir et l’asservir à nouveau. J’espère que cette mise à jour nous fera passer d’une fierté folklorique et démagogique à une fierté responsable où la discipline, l’organisation, la planification retrouveront leur place.

 

Devant l’absurdité de nos choix collectifs et la désintégration de nos valeurs, les Haïtiens de tous horizons et surtout les jeunes ont besoin de savoir que le succès  n’est pas le résultat de l’invocation des esprits mais de l’intelligence jointe à la discipline et la détermination. En tant que peule, nous devons réaliser que si nos ancêtres ont mis à profit leur intelligence pour planifier la révolte et réussir notre Indépendance, nous leur devons de retourner aux mêmes valeurs pour planifier et réussir le développement d’Haïti. Ceux qui sont en position d’influencer notre jeunesse ont pour devoir de mettre en évidence les valeurs qui ont fait le succès de nos ancêtres. Alors, notre fierté sera placée au bon endroit et à l’exemple de nos ancêtres, nous pourrons réaliser de grandes choses à nouveau.

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