Notre position sur la situation des immigrants haïtiens face aux
décisions des gouvernements étrangers et
une alternative de sortie de crise
Par
Mme Sherley Louis
Ce texte exprime la position de Mme Sherley Louis sur la crise des immigrants haïtiens. Il dénonce les expulsions et les discriminations aux États-Unis et en République dominicaine, et appelle à une approche plus humaine et responsable des gouvernements, ainsi qu’à la recherche de la stabilité pour Haïti.
| Sherley Louis |
Introduction
« L’exil ne détruit pas les racines, mais
il affame les fruits. »
« Un pays qui rejette l’étranger trahit son humanité. »
« Ce n’est pas la mer qui est cruelle, c’est le rivage qui refuse
l’accueil. »
La
question de l’immigration haïtienne est aujourd’hui au cœur de nombreuses
tensions géopolitiques, notamment aux États-Unis et en République dominicaine.
Les images d’expulsions massives, de traitements inhumains et de
discriminations systémiques révèlent une crise profonde : celle d’un peuple en
détresse, ballotté entre la misère de sa terre natale et l’hostilité de terres
étrangères. Face à cette réalité, notre position est claire : les gouvernements
doivent adopter une approche plus humaine, solidaire et responsable, et Haïti
doit impérativement trouver une voie de stabilité et de dignité pour ses
citoyens.
Développement
1. Les décisions des États-Unis et de la
République dominicaine : entre sécurité et exclusion
Les
États-Unis, longtemps perçus comme une terre de promesse, ont ces dernières
années renforcé leur politique migratoire avec une sévérité accrue envers les
migrants haïtiens. Le recours aux expulsions rapides sous prétexte de sécurité
nationale ou de surcharge du système migratoire a conduit à des violations des
droits humains. Les scènes de migrants pourchassés à la frontière ou détenus
dans des conditions indécentes sont une honte pour un pays qui se veut
défenseur des droits.
La
République dominicaine, de son côté, applique des politiques d’exclusion
ethnique souvent dissimulées sous couvert de réglementation migratoire. Le
durcissement des lois sur la nationalité, la militarisation des frontières et
les déportations arbitraires visent clairement les Haïtiens ou Dominicains
d’origine haïtienne, alimentant un climat de xénophobie et de rejet historique.
La
politique migratoire menée par les États-Unis à l’égard des immigrants haïtiens
est ambivalente. D’un côté, les discours officiels reconnaissent les crises
humanitaires que traverse Haïti (instabilité politique, catastrophes
naturelles, pauvreté extrême). De l’autre côté, les mesures appliquées sur le
terrain traduisent un rejet systématique. En septembre 2021, des images
choquantes de gardes-frontières américains à cheval pourchassant des migrants
haïtiens à la frontière texane ont indigné la communauté internationale. Malgré
cela, les expulsions massives se sont poursuivies, parfois sans même permettre
aux migrants de déposer une demande d’asile, en violation de conventions
internationales, dont la Convention de Genève sur les réfugiés.
De
nombreux Haïtiens aux États-Unis sont détenteurs du TPS (Temporary Protected
Status), un statut précaire sans garantie de régularisation. Les
changements fréquents des politiques sous les différentes administrations
créent un climat d’incertitude et d’anxiété permanente pour des milliers de
familles installées depuis des années.
La
situation en République dominicaine est encore plus alarmante, car elle est
enracinée dans un problème historique de discrimination raciale et d'identité
nationale. Depuis l’arrêt TC 168-13 de la Cour constitutionnelle
dominicaine, des milliers de personnes nées en République dominicaine, mais de
parents haïtiens, ont été dénationalisées, devenant apatrides du jour au
lendemain. Ce rejet administratif a conduit à des vagues de déportations
massives, souvent arbitraires, parfois violentes, visant même des personnes
ayant tous leurs papiers en règle.
Le
discours politique dominicain alimente cette hostilité, présentant
l’immigration haïtienne comme une « invasion » qui met en péril la culture
nationale, l’économie, ou la sécurité. Cette rhétorique nationaliste et
xénophobe trouve écho dans la population, justifiant des actes de harcèlement,
d’agressions et de discriminations au quotidien.
Ces
décisions, loin de régler les causes profondes de l’immigration, aggravent la
souffrance des migrants et mettent en péril la stabilité régionale.
Ces
politiques ne répondent ni à des principes de justice ni à des objectifs
réalistes de gestion migratoire. Elles renforcent la marginalisation des
Haïtiens et sapent les fondements de la coexistence régionale.
2. Une position éthique et humaniste face à la crise migratoire
Nous
croyons fermement que tout être humain a droit à la dignité, à la sécurité et
à la possibilité de vivre sans crainte. L’immigration n’est pas un crime, mais
souvent un cri de détresse. Les pays d’accueil, particulièrement les États-Unis
et la République dominicaine, doivent revoir leur posture : plutôt que de
fermer les portes, ils devraient mettre en place des politiques d’intégration,
de régularisation et de coopération régionale.
Les
instances internationales, telles que l’ONU et l’OEA, ont également la
responsabilité d'intervenir avec fermeté pour condamner les violations des
droits humains et accompagner des solutions structurelles.
Face à
cette réalité, il est impératif d’adopter une position fondée sur les droits
humains, la justice et la solidarité. L’immigration haïtienne n’est pas le
résultat d’un caprice individuel, mais la conséquence directe de défaillances
structurelles et de drames humains réels. La faim, la violence des gangs, les
catastrophes naturelles (comme le séisme de 2021 ou les cyclones) poussent les
gens à fuir, parfois au péril de leur vie.
Une
approche éthique exige :
- Le
respect du droit d’asile et des procédures
équitables : Chaque migrant a droit à une évaluation individuelle de sa
situation. L'expulsion collective et automatique est une atteinte aux
droits fondamentaux.
- Des
voies de régularisation claires
pour les migrants déjà présents sur le territoire d’accueil depuis
plusieurs années : travail, famille, enfants scolarisés, etc.
- Une
lutte ferme contre le racisme systémique
et les discours de haine. Les gouvernements doivent se positionner
clairement contre les actes de violence et les propos discriminatoires.
- Des
campagnes de sensibilisation destinées à la
population locale pour promouvoir une meilleure compréhension de la
réalité migratoire et encourager l’inclusion sociale.
En parallèle, les organisations internationales
– notamment l’OEA, l’ONU, la CARICOM – doivent assumer un rôle plus actif. Le
silence ou les réactions molles face aux abus renforcent l’impunité. Il est
nécessaire d’exiger des audits indépendants, des sanctions en cas de violations
graves et un soutien coordonné à la gestion humaine de la migration.
L'immigration ne devrait pas être considérée
comme une menace, mais comme un potentiel. Les migrants haïtiens, dans les
champs, les hôpitaux, les chantiers, contribuent chaque jour aux économies des
pays d’accueil. Leur dignité doit être reconnue.
3. Une alternative pour Haïti :
reconstruire la dignité nationale
La vraie sortie de crise ne viendra pas
uniquement de l’extérieur. Haïti doit entreprendre une transformation profonde
sur les plans politique, économique et social. Voici quelques pistes
prioritaires :
- Stabilisation
politique par une gouvernance inclusive,
transparente et souveraine, libérée de la corruption et des influences
étrangères.
- Redressement
économique via l’investissement massif dans
l’agriculture, l’éducation, les infrastructures et l’entrepreneuriat
local.
- Renforcement
de l’État de droit et de la sécurité, pour
permettre aux citoyens de rester et vivre dignement dans leur pays.
Une telle stratégie requiert la participation
active de la diaspora haïtienne, des partenaires internationaux réellement
solidaires et d’un leadership national fort et visionnaire.
Toutefois, une approche uniquement tournée vers
la dénonciation des pays d’accueil serait incomplète. La migration haïtienne
massive est avant tout le symptôme d’une crise nationale chronique. Pour
que les Haïtiens ne soient plus contraints de fuir, Haïti doit redevenir une
terre où l’on peut vivre, travailler, espérer.
Cela implique une refondation nationale
sur plusieurs piliers fondamentaux :
a. Gouvernance et stabilité politique
Haïti est plongé dans une instabilité
institutionnelle depuis des décennies. Aucun développement durable n’est
possible sans un minimum de paix civile, d’autorité légitime, et de confiance
dans les institutions. La priorité est de reconstruire un système politique inclusif,
transparent et légitime, en s’appuyant sur :
- Un
processus électoral crédible, organisé par des structures neutres
- La
lutte contre la corruption endémique
- L’implication
des jeunes et de la société civile dans la reconstruction
b. Sécurité et justice
La prolifération des gangs armés est devenue un
fléau national. Elle empêche la libre circulation, bloque l’économie et pousse
des milliers de familles à fuir. Il est urgent de :
- Démanteler
les réseaux criminels à travers une réforme profonde de la police
- Renforcer
le système judiciaire pour garantir l’État de droit
- Collaborer
avec des partenaires internationaux sur la base d’une stratégie concertée,
sans ingérence néocoloniale
c. Redémarrage économique
Haïti possède des ressources naturelles, un
peuple travailleur et une diaspora dynamique. Il faut investir dans :
- L’agriculture
vivrière et durable pour garantir la sécurité alimentaire
- Des
programmes de microcrédit et d’incubation d’entreprises
- La
création d’emplois à travers des projets d’infrastructure (routes, écoles,
hôpitaux)
d. Éducation et santé
Sans une population éduquée et en bonne santé,
aucun développement n’est possible. Haïti doit :
- Rendre
l’éducation publique gratuite, obligatoire et de qualité
- Améliorer
l’accès aux soins, en particulier en zones rurales
- Mobiliser
la diaspora et les partenaires étrangers pour appuyer ces efforts
e. Un pacte de solidarité nationale et
régionale
La
sortie de crise ne viendra pas d’un gouvernement seul. Il faut une mobilisation
collective des citoyens, de la diaspora, des secteurs privés et publics. En
parallèle, Haïti doit renforcer ses liens avec les pays voisins, notamment via
la CARICOM, pour mutualiser des projets de développement, négocier des
protections pour ses migrants, et promouvoir une vision d’avenir partagée.
Je vais expliquer plus succinctement les résolutions
pour cette sortie de crise en Haïti
Une
alternative de sortie de crise pour Haïti : reconstruire sur des bases solides
Voici
une proposition concrète et détaillée d’alternative de sortie de crise pour
Haïti, articulée autour d’une vision stratégique en cinq piliers.
Elle vise à répondre aux racines profondes de la crise haïtienne tout en
mobilisant les ressources nationales et internationales.
1. Une
transition politique inclusive et souveraine
La
crise politique haïtienne est au cœur de l’instabilité du pays. Il est
impératif de sortir de la logique de pouvoir imposé, de transition illégitime
ou de gouvernement de façade. La solution passe par une transition politique
inclusive, articulée autour des principes suivants :
- Création d’un Conseil
national de transition composé de représentants
des partis politiques, de la société civile, des syndicats, de la jeunesse
et de la diaspora.
- Nomination d’un
gouvernement de mission limitée dans le temps,
chargé exclusivement de restaurer la sécurité, organiser les élections et
rétablir le fonctionnement institutionnel.
- Élections générales
crédibles, sous supervision nationale et
internationale, organisées dans un délai raisonnable (18 à 24 mois), avec
un nouveau cadre électoral révisé.
Objectif
: Restaurer la légitimité des institutions
haïtiennes à travers un processus démocratique transparent, sans tutelle
étrangère.
2. Une stratégie nationale de sécurité et de désarmement
La
sécurité est la condition sine qua non de tout développement. Le contrôle des
gangs armés sur de vastes territoires rend le pays invivable. Une stratégie de
sécurité doit être à la fois répressive, préventive et sociale :
- Reconstruction et
professionnalisation de la Police Nationale d’Haïti (PNH)
: meilleures conditions de travail, formation, équipement moderne, lutte
contre l’infiltration des gangs.
- Appui technique ciblé
(et non une force d’occupation) de forces régionales ou internationales
sous mandat clair et limité.
- Opération de désarmement,
démobilisation et réinsertion (DDR)
des jeunes enrôlés dans les gangs, accompagnée d’un encadrement
psychologique et éducatif.
Objectif
: Restaurer l’ordre public et permettre la
circulation des biens et des personnes.
3.
Redressement économique et relance de l’emploi local
La
pauvreté extrême et l’exclusion économique sont les moteurs de l’instabilité.
Il est essentiel de relancer la machine économique en misant sur le local,
l’agriculture et la jeunesse :
- Plan de développement
rural pour relancer l’agriculture vivrière
(subventions, semences, outils, irrigation, formation technique).
- Programme national
d’emplois publics : des milliers de jeunes
pourraient être employés pour reconstruire les routes, les écoles, les
marchés et les infrastructures de base.
- Création de zones
économiques locales pour attirer les
investissements haïtiens et de la diaspora (exonérations fiscales
temporaires, accès au crédit, garantie de sécurité).
- Renforcement du secteur
informel avec l’accès au microcrédit, à
l’assurance et à des formations de gestion.
Objectif
: Offrir aux jeunes des alternatives viables à
l’exil ou au banditisme.
4. Un
plan national d’éducation et de santé universelles
L’avenir
d’Haïti passe par une jeunesse instruite et en bonne santé. L’État haïtien doit
garantir des services de base pour tous :
- Accès gratuit et
obligatoire à l’école jusqu’à 16 ans,
avec la construction de nouvelles écoles dans toutes les communes, la
formation d’enseignants et l’intégration de contenus civiques et
historiques.
- Lancement d’un plan
national de santé communautaire,
avec la réhabilitation des hôpitaux régionaux, la gratuité des soins
essentiels, et la lutte contre la malnutrition infantile.
- Partenariats avec les
universités et les ONG pour moderniser les
systèmes éducatifs et médicaux.
Objectif
: Briser le cercle de la pauvreté et de
l’ignorance pour bâtir une société résiliente.
5. Une
diplomatie active, une diaspora mobilisée, un pacte de refondation
Enfin,
Haïti doit changer de posture vis-à-vis du monde : sortir du statut de nation
mendiante pour devenir un acteur diplomatique souverain, capable de
défendre ses intérêts tout en mobilisant sa diaspora et ses ressources.
- Redéfinir les relations
avec les bailleurs et institutions internationales
pour exiger un partenariat respectueux, basé sur des projets durables, pas
sur l’aide d’urgence perpétuelle.
- Impliquer la diaspora
haïtienne dans la reconstruction : droit de
vote, incitations fiscales pour l’investissement, création d’une « Banque
de développement de la diaspora ».
- Lancer une grande
conférence nationale pour établir un Pacte
de refondation entre les différentes forces du pays : institutions,
citoyens, secteur privé, églises, mouvements sociaux.
Objectif
: Rétablir la souveraineté nationale, la fierté
collective et la confiance dans l’avenir.
Conclusion de cette alternative :
Haïti
ne renaîtra pas par miracle, mais par un effort concerté, courageux et
honnête. Il est temps de reconstruire un État fort, juste et utile,
au service de son peuple. La sortie de crise passera par la rupture avec les
pratiques du passé, le rejet de la dépendance chronique et le courage de faire
émerger un leadership nouveau.
« Un peuple qui fuit n’est pas un peuple
lâche, c’est un peuple trahi. »
« L’étranger d’aujourd’hui est le miroir de notre humanité demain. »
« Haïti renaîtra non par miracle, mais par la volonté de ses enfants. »
La
crise migratoire haïtienne ne peut se résoudre par des murs ou des expulsions,
mais par une volonté collective de justice et de solidarité. Les États-Unis et
la République dominicaine doivent cesser de traiter les migrants haïtiens comme
un problème et reconnaître leur dignité. Mais surtout, Haïti doit retrouver la
force de se tenir debout, non pour supplier, mais pour construire un avenir
digne. Il en va non seulement de son salut, mais de celui de toute la région.
La
situation des immigrants haïtiens aux États-Unis et en République dominicaine
n’est pas simplement un enjeu migratoire. C’est le miroir d’un double échec :
celui des pays d’accueil, qui choisissent l’exclusion plutôt que la
coopération, et celui d’Haïti, dont les gouvernements successifs ont échoué à
offrir à leur peuple une nation stable, sûre et prospère.
Face
aux traitements inhumains, aux expulsions arbitraires et à la montée de la
xénophobie, notre position est ferme : les droits humains doivent primer sur
les intérêts politiques à court terme. Aucun État ne peut se prétendre
démocratique tout en piétinant la dignité des plus vulnérables. Il est temps de
construire des politiques migratoires fondées sur l’humanité, la justice et la
responsabilité partagée.
Mais
le combat ne s’arrête pas à la frontière. La véritable solution repose sur la
reconstruction d’Haïti. Une reconstruction non pas dictée par des agendas
étrangers, mais portée par un nouveau contrat social entre les citoyens, les
dirigeants, la diaspora et les partenaires internationaux de bonne foi. Haïti
n’a pas besoin d’assistanat, mais de respect, d’investissement et de vision.
Pour
que les Haïtiens n’aient plus à fuir, il faut qu’Haïti redevienne une terre
d’espérance.
« Un peuple sans racines est un peuple en
errance. »
« Le respect de l’autre commence par la reconnaissance de sa souffrance. »
« Là où l’on refuse l’homme, aucun mur ne fera justice. »

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