Haïti/Élection présidentielle : Quand la décharge fait des morts civiles

Comme attendu, 48 heures après avoir auditionné les différents recours qui avaient été exercés, les juges du Bureau du contentieux électoral national (BCEN), ont rendu en toute âme et conscience leurs décisions tôt dans la matinée du jeudi 11 juin. Laurent Lamothe, Thierry Mayard Paul, Marie Josépha Gauthier, Dieuseul Simon Desras et Anthony Bennett sont mis à l’écart alors que Jacky Lumarque, Jovenel Moïse, Jean Charles Moïse et  Antoine Joseph trouvent le feu vert du BCEN.


Un nouveau pas vient d’être franchi dans le processus électoral avec les décisions du BCEN qui habilitent le Conseil électoral provisoire (Cep) à publier la liste définitive des candidats agréés à la prochaine présidentielle dont le premier tour est prévu pour le 25 octobre 2015. Ces décisions sans recours du BCEN se dressent entre satisfaction et frustrations. Si André Michel a salué la décision du ce tribunal électoral de dernière instance pour avoir écarté la candidature de Laurent Lamothe, de l’autre côté de la barre ces verdicts sont plutôt frustrants, d’autant que certains sympathisants de candidats écartés crient à l’injustice.

Anthony Bennet qui avait fait  recours contre la décision du BCED, a vu le BCEN maintenir cette dernière sentence et demander au CEP de retirer son nom pour cause de nationalité étrangère.  Hormis ce cas, les autres candidats mis hors-jeu, le sont tous pour défaut de décharge. Josépha Gauthier, Laurent Lamothe, Thierry Mayard Paul et Simon Dieuseul Desras sont embarqués dans le même voilier.

L’ancien président du Sénat de la République pourtant avait eu gain de cause au niveau du BCED, car il avait fourni son certificat de décharge à ces juges. «  considérant qu’il a été constaté dans le dossier du citoyen Simon Dieuseul Desras une confirmation de reçu des documents de candidature, une affirmation de réception de décharge comme gestionnaire des fonds publics énumérée au point « h » du formulaire de documents de dépôt de candidature, considérant que l’analyse du document de décharge n’a pas été soumise à l’appréciation du BCEN, le tribunal dit et déclare recevable en la forme le recours exercé par le citoyen Beauvens Pénel Zil pour être régulier en la forme ; annule la décision du BCED querellée, ordonne en conséquence, au CEP de faire application de l’article 98 du décret-électoral du 2 mars 2015 », a-t-on lu dans les conclusions de la décision du BCEN.

En ce qui concerne les dossiers de Laurent Lamothe et Thierry Mayard Paul, tous deux en possession de deux ordonnances du tribunal des référés qui enjoignent le CEP à les dispenser des dispositions de l’article 90-h du décret-électoral, relatives à la décharge, le BCEN en a passé outre. Les juges ont argumenté dans leur verdict  que « le décret-électoral a institué un ordre juridictionnel électoral en vue de statuer sur toutes les contestations soulevées à l’occasion des élections ou dans l’application de la loi électorale ».  Comme l’avait fait remarquer, le conseiller Néhémie Joseph en disant ; «  le CEP n’est lié par aucune décision venant d’un autre tribunal ».

En passant outre des ordonnances des référés, le BCEN a aussi fait fi de la « théorie des formalités impossibles » soulevée par les avocats de Laurent Lamothe, en disant que l’ancien chef de la primature est assujetti aux formalités prescrites à l’article 233 de la Constitution en vigueur et le décret électoral en ses articles 36-f et 90-h, relatives à la décharge. À ce sujet aucune réaction n’est encore enregistrée du côté des avocats de Laurent Lamothe en ce qui concerne cette décision.

De son côté, le professeur et spécialiste en droit public, Monferrier Dorval, croit dur comme fer, que le fait d’empêcher à des anciens hauts fonctionnaires de l’État de pouvoir participer aux élections est une violation grave de leurs droits civils et politiques. « On rétablit la mort civile aux ministres et Premiers ministres en refusant de leur accorder décharge de leur gestion. Car sans la décharge leurs biens ainsi que leurs droits civils et politiques sont hypothéqués », a fait savoir le professeur de droit constitutionnel.

Il faut rappeler qu’en 2010, lors que les anciens Premiers ministres, Jacques Édouard Alexis, Yvon Neptune et l’ancien ministre et actuel sénateur Jocelerme Privert s’étaient heurté au problème de la décharge pour participer aux élections, les juristes avaient évoqué la théorie des formalités impossibles pour obtenir une main levée de l’Exécutif. Ce qui valait en 2010, ne tient plus en 2015. En politique tout est une question de momentum.

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