Derniers adieux à Claude Pierre, le poète

                     
L'auteur, Mérès Weche
Il pleut sur Ottawa comme il pleure à Corail, en ce matin du 08 juillet 2017. La nature même semble s’attrister, en plein été, dans un pays où les giboulées  du Nord  n’étaient pas sensées être au rendez-vous. Cependant, à Corail comme  ailleurs en Grand ’Anse, on jette de l’eau au passage d’un cercueil, dans l’idée de rafraichir le chemin pour ce nouveau  voyageur allant vers une destination inconnue.

Dans toutes les grandes religions, l’eau rentre dans le concept du rite de passage. En ce sens, le poète Claude Pierre qui, toute sa vie, a vogué sur les eaux, en a eues en abondance le jour de son départ pour d’autres rives.  Tel un Ulysse heureux, il a conquis la toison poétique et s’en va, « plein d’usage et raison », retrouver les  Mânes nationaux.
Le poète Claude Pierre
De l’hôtel Holiday Inn à Ottawa où a eu lieu cette émouvante soirée culturelle en son intention, le vendredi 07 juillet 2017, à l’église Sainte-Marie où ont été célébrées ses funérailles, le lendemain, dans la matinée, il pleuvait également en termes de sympathies exprimées. Parents et amis se sont laissés aller à des témoignages émouvants retraçant à la fois son vécu coraillais et son riche parcours poétique. On a eu l’occasion, en lever de rideau, d’apprécier successivement la projection d’une vidéo sur sa vie de poète, suivie d’un hommage très émouvant de son cousin et ami d’enfance, Hugues Lamour. Par la suite, devaient s’enchainer la déclamation du poème «Gouache» (tiré de son recueil «Tourne ma toupie», par son fils Georgi Clément Pierre, puis un autre de ses textes dit par Lochard Noël. C’est par des chansons et anecdotes, accompagnées à la guitare que son vieux copain coraillais, l’écrivain et artiste Roger Edmond, a remémoré leurs souvenirs d’enfance entre ciel et mer à Corail.  Ont défilé ensuite sur scène : Jean Dumont, Marc Pelletier, Bernier Pierre, Jean Sabin, Sandra Rosier, Michel-Ange Hyppolite, Géralde Alerte Carré, dans des textes français et créoles illustrant les deux grandes amours linguistiques de Claude. Eddy Cavé et moi devions nous succéder dans des hommages aux couleurs grand’anselaises, faites d’un portrait à l’acrylique de Claude et de textes exprimant respectivement notre vécu avec lui. Sans oublier les beaux témoignages visuels de Bermann Fleury, sur fond de poèmes de Claude.

 Serge Baguidy Gilbert, au cours de notre retour dans la même voiture à Montréal, m’a décrit, en des termes scientifiques, cette maladie dite «à prion» qui a emporté Claude ; une particule protéinique infectieuse, capable de se répliquer à la vitesse de l’éclair, en l’absence de toute information génétique.
C’est-elle la cause de la «tremblance du mouton» et de la maladie dite «des vaches folles».
Claude Pierre

La Bretagne a fait entendre sa voix à travers la musique de Paul Dumeikis, sur fond de poèmes de Claude, rappelant leurs complicités à Jérémie au cours d’une édition du Festival international de la poésie. Il ne manquait que Guy-Marie Louis, Josaphat Large, Anaïse Chavenet, Jean-Claude Fignolé, Rénold Laurent, Claude Carré, Evains Weche, Claude-Bernard Sérant, Christophe Charles, Josué Agénor Cadet, Wooly Saint-Louis, James Noël, et bien d’autres participants, pour compléter ce rappel du Festival en compagnie de Claude Pierre.

 Le talentueux animateur de la soirée, notre grand ami Serge Cham, secondé par Marie-Hélène Destiné, a tenu à inscrire au programme son propre hommage au disparu, en des mots emplis d’émotion. Comme dans « Les funérailles d’Atala » de Chateaubriand, la mer qui porte maintenant nos pirogues en Grand ’Anse suspendra le cours de ses eaux avant que nos larmes cessent de couler pour Claude, enlevé trop vite   à notre affection.


Mérès M. Weche: Journaliste, écrivain, contributeur à plusieurs médias dont Haiti Connexion Network                

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