A la mémoire de Maitre Caze

MAÎTRE CHRISTIAN CAZE, CASÉ DANS LES LIEUX ÉTERNELS
Par Meres Weche

Je me souviens, comme si c'était hier, de ce jour béni où mon père, ce «bourgeois» paysan, quitta Beaumont avec moi, à dos de mûle, en direction de Jérémie, dans le but de me doter du plus grand bien qu'il était sûr de m'offrir: l'instruction. Pour ce faire, il n'hésita pas un instant à me placer dans les mains de Me Christian Caze, Directeur d'alors de l'école Clevrain Hilaire, communément appelée «Kay Kaz», la seule institution primaire à Jéremie qui rivalisait avec celle des Frères de l'Instruction Chrétienne aux examens du Certificat d'Études Primaires (CEP). La couleur de notre uniforme, le bleu marin, nous valut le sobriquet de «sanitaire», en référence à la tenue des agents du Service d'hygiène, tandis que celle des Frères, le «kaki-jaune», les faisait appeler «bèt seren», par analogie avec l'uniforme de l'Armée d'Haiti, compte tenu que, selon la malice populaire, un gendarme n'était autre qu'un veilleur de nuit.

En dépit du fait qu'au cours de la traditionnelle parade du 18 mai, conduite par par l'élégant  moniteur Maurice Léonce,  -le plus vieux témoin encore vivant de cette époque, l'actuel doyen d'âge de la ville en l'absence de Me Caze-, les tambours de chez les Frères frappaient beaucoup plus fort que ceux de chez Caze, mais les Bleus n'avaient rien à envier aux Jaunes sur le plan de la performance scolaire. Le Lycée Nord Alexis allait devenir le champ de compétition le plus caractéristique entre les produits de ces deux nobles institutions de la ville, sans aucun sentiment d'affrontement belliqueux, comme on en voit aujourd'hui à Port-au-Prince entre des institutions publiques. 

Homme de caractère, avocat émérite, professeur de carrière, on disait de Maitre Caze qu'il n'avait qu'un seul poumon, et on s'attendait d'un jour à l'autre à le voir passer de vie à trépas, sachant que c'est cet organe pair de la respiration qui permet à l'Homme de bénéficier de tous les bienfaits de l'air ambiant; c'était d' il y a plus de 60 ans. 

Décédé à l'âge de 101 ans, Me Caze aura vécu ce que vivent les patriarches, défiant toutes les spéculations humaines, et même les pronostics médicaux les mieux scientiquement prononcés. « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent», disait Victor Hugo; cette lutte qui n'est point affrontement armé avec des forces adverses, mais bien l'ardeur au travail pour gagner sa vie, en dépit des difficultés de toutes sortes.  De mémoire d'homme, la seule arme dont il se servait dans l'arène de la basoche, pour  faire triompher le Droit, fut celle de la dialectique, qu'il maniait avec une rare dextérité.  

Meres Weche
wechemeres@yahoo.com

Comments

Meres Weche said…
Merci Haïti Connexion pour la célérité avec laquelle ce texte est publie. Dommage que je n'avais pas eu le temps de l'envoyer a Amery ou a Jocelyne pour être lu aux funérailles.