Santé/Health: Cancer du sein génétique : les questions que pose le choix d'Angelina Jolie


L'annonce par l'actrice Angelina Jolie de son ablation préventive des seins a suscité de nombreuses réactions, et autant de questions. Réponses du docteur Christine Noguès, oncogénéticienne à l'Institut Curie, à Paris. Par Liza Fabian. Source: La Vie

1. A qui s'adressent les tests génétiques ?

Seule une minorité (5% à 10%) des cancers du sein et de l'ovaire est héréditaire, c'est-à-dire attribuable à une mutation génétique favorisant la survenue du cancer. Angelina Jolie, 37 ans, fait partie des deux femmes sur 1000 porteuses d'une mutation du gène BRCA1 ou du BRCA1, augmentant les risques de cancer du sein et des ovaires.

Lorsqu'une mutation de ce type est suspectée, ou découverte, le médecin peut proposer une recherche de mutation. Pourtant, cette recherche n'est pas systématiquement proposée. « Ce n'est pas de la médecine prédictive dans la mesure où on ne va pas rechercher cette mutation chez n'importe qui, dans la rue », fait valoir le docteur Catherine Noguès. « On le propose aux femmes qui ont des inquiétudes car elles ont une histoire familiale significative, marquée par plusieurs cas de cancer. » C'est le cas d'Angelina Jolie, dont la mère est décédée à l'âge de 56 ans, d'un cancer des ovaires.

En 2012, sur 3000 recherches individuelles de cette mutation en France, 2000 patients présentaient une mutation génétique, hommes et femmes confondus.

2. Pour une personne porteuse de la mutation, quels sont les risques de développer un cancer ?

Angelina Jolie a fait savoir qu'elle avait un risque de 87% de développer un cancer du sein, et 50% pour celui de l'ovaire. Les chiffres avancés par l'Institut National du Cancer en France sont sensiblement différents. « Avant 70 ans, le risque de cancer du sein varie de 40% à 85% pour les personnes porteuses du gène », pointe le Dr Catherine Noguès, contre 10% dans la population générale. Le risque de cancer de l'ovaire est de 10 à 63 % contre 1 % dans la population générale.

3. Dépistage ou prévention chirurgicale : comment choisir ?

Une fois la mutation génétique avérée, la femme peut choisir entre un suivi étroit ou l'ablation chirurgicale. « Nous nous devons de souligner qu'il existe plusieurs options, du dépistage à la prévention chirurgicale. Ce sont des décisions très individuelles », souligne le Dr Catherine Noguès, qui insiste sur le dialogue entre patient et soignants.

- Le contrôle peut débuter entre 20 et 30 ans, avec une surveillance clinique, tous les ans. A partir de 30 ans, s'ajoutent des contrôles par imagerie mammaire : mammographies, doublées d'IRM mammaire. (alors que dans la population générale, il est recommandé aux femmes de plus de 50 de faire une mammographie tous les deux ans. ) « Tout est fait pour diagnostiquer le plus vite possible un début de cancer et opérer rapidement », assure Catherine Noguès. « Bien entendu, dépistage et prévention n'ont pas les mêmes conséquences », pointe-elle. « Le dépistage, c'est attendre que quelques chose arrive... Après, on a toute une armada de traitements ! Mais ce sont des traitements qui peuvent être lourds. »

- La mastectomie est systématiquement évoquée auprès des femmes atteintes, mais rarement envisagée avant 30 ans. « Avant cet âge, le niveau de risque ne le justifie pas, indique le dr Noguès. Certaines femmes parlent spontanément de la mastectomie... d'autres se sentent mal rien qu'à l'évocation de cette chirurgie ». Une femme de 50 ans qui a vu plusieurs membres de sa famille emportés par le cancer ne réagira pas de la même manière qu'une jeune fille de 25 ans. « La décision dépend aussi de la manière dont la personne vit sa féminité. »

4. La mastectomie ne règle pas tout

Moins de 10% de femmes choisiraient en France la mastectomie préventive. Un pourcentage qui a tendance à augmenter avec les années. « Certaines femmes qui avaient opté pour le dépistage changent d'avis plus tard », souligne le médecin. « Elles ont fait leur vie, ont eu des enfants, et peuvent envisager à nouveau la mastectomie. Surtout si elles en ont assez des tests, ou bien quand elles ont déjà vécu de fausses alertes. »

La mastectomie n'est pourtant pas une opération à prendre à la légère. « C'est une intervention délicate », avance le Dr Noguès. « Il y a une reconstruction, la pose de prothèses... ce ne sont pas des gestes faciles, souvent il faut des retouches, il faut y revenir... et puis il y a tout de même un risque d'échec de 10% environ. On ne peut pas le présenter comme quelque chose de facile. »

De plus, cette opération ne règle pas tout. Dans sa tribune, Angelina Jolie évoque la possibilité d'une future ablation des ovaires. « Quand on est porteur d'une mutation des gènes Bcra1 et Bcra2, on est à risque de cancers du sein ET de l'ovaire, et on a toute les raisons de se méfier des deux », pointe le docteur Noguès.

D'autant plus que le dépistage du cancer des ovaires est peu efficace, avec des possibilités thérapeutiques moins développées. L'ablation des ovaires est donc la méthode de prévention la plus recommandée lorsque la femme ne souhaite plus d'enfant.

Quel que soit le choix, il doit être mûrement réfléchi par la patiente. La décision d'Angelina Jolie de subir une double mastectomie ne s'est pas faite du jour au lendemain. Et accompagné par une équipe spécialisée, dans une consultation d'oncogénétique (génétique des cancers). « Notre priorité reste d'informer les femmes sur toutes les options, du dépistage à la chirurgie préventive, de façon à ce qu'elles ne se retrouvent pas face à un résultat génétique sans savoir quoi faire ».

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