Bureau intégré des Nations Unies en Haïti: Rapport du Secrétaire général
Click on the dropdown button to translate.
Translate this page:
Nations-Unies S/2022/117
Conseil de sécurité Distr. générale 15 février 2022 Français
Original :
anglais
Bureau intégré des Nations Unies en Haïti
Rapport du Secrétaire
général
António Guterres |
I Introduction
1. Le présent
rapport est soumis en application
de la résolution 2600 (2021) du
Conseil de sécurité,
par laquelle celui-ci a prorogé jusqu’au
15 juillet 2022 le mandat
du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) défini
dans sa résolution 2476 (2019), par laquelle il avait créé le BINUH
et m’avait prié de lui rendre
compte tous les 120 jours de l’application de la résolution. Il retrace
les principaux faits nouveaux survenus depuis mon précédent rapport (
S/2021/828) et fait le point sur
l’exécution du mandat
du Bureau.
II.
Politique et bonne gouvernance (objectif 1)
2.
La vie politique haïtienne reste marquée par la polarisation et des divergences persistantes sur les dispositions de la gouvernance
actuelles du pays.
Les
efforts visant à renforcer
l’unité autour d’une voie
commune se sont avérés laborieux au cours de la
période considérée, des facteurs économiques
et des conditions de sécurité
complexes ayant entraîné des pénuries de carburant à l’échelle nationale
et des grèves des syndicats
des transports, qui ont gravement
perturbé la vie économique et sociale dans tout le pays pendant la majeure partie des mois d’octobre et
de novembre. Il faut donc encore
des progrès pour renforcer le
consensus sur la manière
de surmo nter la crise politique en
Haïti. En outre, plusieurs parties prenantes continuent de douter
que le climat politique et les conditions de sécurité actuels permettent la tenue d
’élections en temps voulu. Dans son discours à la nation du
1er janvier, le Premier Ministre Ariel Henry a déclaré que les problèmes
qui continuaient de secouer
le pays concernaient à la fois la sécurité,
les affaires politiques et l’économie. Il a encouragé
toutes les parties prenantes
haïtiennes, y compris celles qui étaient
« partisanes d’autres initiatives », à « agrandir le consensus » autour de l’accord politique du 11 septembre, à mettre de côté leurs différences et à ouvrir une voie commune pour l ’avenir.
3.
Après avoir dissous
le Conseil électoral provisoire le
27 septembre 2021, le Premier
Ministre a
tenté de motiver plusieurs secteurs à former
un nouvel organe mais sans grand succès. Invoquant la détérioration continue des conditions
de sécurité, plusieurs secteurs ont
refusé de désigner des candidates et candidats
pour les neuf postes de conseillères
et conseillers électoraux. Conscient de la nécessité de
remédier aux problèmes
de sécurité, et malgré ces revers, le Premier Ministre a poursuivi ses
interactions avec les parties
prenantes nationales, notamment en engageant
un
22-01584 (F) 170222 170222
*2201584*
dialogue avec les représentantes et représentants de la Commission pour la recherche
d’une solution haïtienne à la crise (connue sous le
nom de
groupe de Montana)
le 27 octobre, et en échangeant à plusieurs reprises avec d’autres groupes
politiques clés, des syndicats, des associations du milieu des affaires et des
acteurs de la société
civile.
4.
À la suite de ces entretiens, et avec pour dessein
d’appliquer l’accord politique du 11 septembre, le Premier
Ministre a présenté un gouvernement
partiellement remanié, le
24 novembre. Le cabinet
de 18 membres, comptant huit nouveaux ministres, dont des représentantes et représentants
de la société civile, d’anciens
membres de l’opposition politique au défunt
Président Jovenel Moïse et des hauts fonctionnaires des administrations
précédentes, a élargi la participation
à la feuille de route politique et l’inclusion
dans l’exécutif. Cependant, la composition du cabinet a suscité des inquiétudes parmi les observateurs, car elle a été perçue comme marginalisant les éléments les plus modérés
de l’échiquier politique haïtien.
Lors de la cérémonie de prestation
de serment du 25 novembre,
le Premier Ministre Henry a déclaré
que
les principales priorités du nouveau
Gouvernement seraient la sécurité, la réforme constitutionnelle fondée sur un processus de
« consultation populaire » et la tenue
d’élections nationales et locales.
5.
À l’approche du 7 février,
date de la fin du mandat
du Président Moïse, plusieurs
signataires de l’accord politique du 11 septembre
ont exprimé leur mécontentement face aux progrès
limités de sa mise en œuvre et exhorté
le Premier Ministre à accélérer
la mise en place d’un
nouveau conseil électoral tout en rendant le
Gouvernement plus représentatif.
D’autres parties prenantes ont remis en question
la légitimité du mandat exécutif du Premier Ministre Henry
au-delà du 7 février et
souligné la nécessité
d’organiser des négociations inclusives afin d’articuler un consensus
national qui conduirait à la restauration complète des
institutions démocratiques par la tenue d’élections.
Les discussions sur la question de
savoir si Haïti devait maintenir
un
exécutif dirigé par un
premier ministre pour mener la
transition, comme le proposait
l’accord du 11 septembre, ou opter pour le type de système
semi-présidentiel inscrit dans la Constitution de 1987 sont restées au premier plan du débat politique.
6.
Dans le cadre d’une initiative visant à
promouvoir un nouveau modèle de gouvernance
hors des mesures prises par le Gouvernement,
les partisans du groupe
de Montana ont inauguré, le 12 décembre, un conseil national
de transition de 46 membres,
composé de représentantes et représentants
des différents secteurs économiques, sociaux et
politiques, y compris la diaspora, afin de désigner
un président par intérim et
un nouveau premier ministre qui seraient chargés
de mener une transition
politique de 24 mois. Cet acte a
été suivi,
le 10 janvier, par la signature
d’un nouvel accord entre le groupe de
Montana et les signataires
du protocole d’entente nationale, qui prévoit un double
exécutif, composé d’un collège
présidentiel de cinq membres et
d’un premier ministre désigné par le conseil
national de transition susmentionné. Le nouvel
accord prévoit également l’établissement
d’une conférence nationale pour
décider d’une éventuelle réforme constitutionnelle ainsi que la
tenue d’élections en 2024. Six
candidatures – deux pour
le siège du (de la) représentant(e)
du groupe de Montana dans le collège présidentiel de cinq membres
et quatre pour le poste
de premier ministre – ont
été soumises le 18 janvier
au conseil national de transition susmentionné. Le Premier
Ministre Henry a réitéré sa volonté
de dialoguer avec toutes les
parties prenantes, y compris le
groupe de Montana, et a indiqué
que le prochain chef d’État
serait choisi dans le cadre d’élections démocratiques.
7.
Lors d’une réunion
ministérielle sur Haïti organisée
par le Gouvernement canadien
qui s’est tenue virtuellement le 21 janvier, le Premier Ministre a souligné que la lutte contre
l’insécurité et le renforcement de l’autorité de l’État
sur l’ensemble du territoire national étaient des conditions indispensables à
la tenue
d’élections.
Tout en
reconnaissant la nécessité d’élargir davantage le consensus national autour
d’un projet dirigé par les Haïtiennes et Haïtiens et visant à restaurer la
démocratie électorale, le Premier Ministre a également annoncé que,
conformément à l ’accord du 11 septembre, les milieux universitaires, le
secteur privé, les groupes communautaires ruraux, les associations de femmes et
d’autres parties prenantes désigneraient leurs représentantes et représentants
respectifs au sein des organes de gouvernance transitoire. Il convient de noter
que plusieurs participantes et participants à la conférence ont fait valoir que
la recherche d’une solution politique viable en Haïti devait reposer sur un
dialogue pacifique et constructif entre toutes les parties prenantes nationales,
y compris les représentantes et représentants de la société civile.
8.
Début janvier,
une controverse a éclaté au sujet de la durée du mandat des
10 membres restants du Sénat, les
seuls fonctionnaires à occuper actuellement des postes d’élus en Haïti.
Certaines parties prenantes
soutenaient que le mandat
des sénateurs viendrait à expiration le 10 janvier
2022, invoquant le cycle électoral
prévu par la Constitution,
d’autres considéraient au contraire
que leur mandat constitutionnel de six ans devait
expirer en 2023, étant donné que les sénateurs avaient
pris leurs fonctions en 2017. Le différend a été réglé pacifiquement le 10 janvier,
ce qui a permis aux sénateurs
restants de continuer à exercer leur mandat et
contribué à réduire partiellement les tensions
politiques. Le même jour,
le Président du Sénat a
appelé les acteurs nationaux à
décréter 2022 « année du dialogue
et du consensus national ».
9.
Les problèmes
politiques du pays ont été aggravés
par l’interruption de
l’approvisionnement national en carburant
à la mi-octobre,
lorsque des bandes criminelles ont encerclé
les principaux terminaux de carburant du
pays à Port-au-Prince (département de l’Ouest).
Des membres des bandes ont
kidnappé des chauffeurs
de camions, détourné des camions-citernes
et fait fuir la police en
tirant des coups de
feu. En plus d’attiser
les tensions sociales et politiques, le blocus qui en a
résulté a entraîné des pénuries de carburant dans tout le pays, eu un impact considérable
sur la vie économique et
perturbé les services
essentiels (notamment les banques, les
hôpitaux et les ambulances)
ainsi que les opérations d’aide humanitaire. Suite à l’ajustement
par le Gouvernement de son dispositif
de sécurité dans les zones critiques et à ses interactions avec des acteurs clés de la
chaîne d’approvisionnement en carburant, une amélioration progressive de la situation a été constatée à la mi-novembre,
les stations-service ayant repris leurs
activités normales.
10.
À la suite de la
crise du carburant, le Premier Ministre a adopté une
série de mesures visant à inverser
la politique de subvention des carburants en vigueur
depuis 10 ans, qui a fait
grimper le prix du diesel,
du kérosène et de l’essence.
La sensibilisation et la consultation proactives des syndicats et des milieux d ’affaires
au cours des semaines précédentes ont
permis d’apaiser la réaction du
public à la hausse des
prix et ont conduit
à une suppression plus progressive des subventions. La promesse
du Gouvernement de réinvestir les ressources publiques dans les services
sociaux tels que la police, l’éducation
et la santé, tout en offrant
d’autres incitations
à l’industrie des transports afin de maintenir les prix des transports publics à un niveau abordable, semble également avoir
contribué à l’apaisement.
11.
En l’absence
d’un Conseil électoral provisoire reconstitué et en
raison de la pénurie
généralisée de carburant, les préparatifs
électoraux ont été ralentis. Néanmoins,
avec le soutien du Programme
des Nations Unies pour le
développement (PNUD), de l’Entité
des Nations Unies pour l’égalité des
sexes et l’autonomisation des
femmes (ONU-Femmes) et du BINUH,
le personnel du Conseil
électoral national a continué à renforcer
ses capacités afin de mieux gérer
les données et de prévenir les
violences électorales.
L’enregistrement des cartes nationales d’identité s’est également ralenti pendant la période
à l’examen. Alors qu’une baisse
progressive du nombre
d’inscriptions avait été enregistrée pendant les
six mois précédents, les perturbations causées par
la crise du carburant ont entraîné une chute brutale du nombre d’inscriptions, creux qui n’a été égalé que pendant la période de protestations
de 2019 (peyi lok). Au 21 janvier, et après la suppression
par l’Office national d’identification des doublons de la liste, le
nombre total de citoyennes
et citoyens enregistrés était de 4
844 213, dont 2 542 387 femmes. À la
même date, 4 154 546 cartes
d’identité avaient été délivrées. On notera que, le 16 décembre,
le Gouvernement a nommé un nouveau
Directeur général en charge de l ’Office national
d’identification.
12.
Malgré le peu de progrès réalisés sur le front électoral, l’ONU a continué d’aider
les institutions
nationales à renforcer le leadership
des femmes et à accroître leur
participation à la vie politique.
ONU-Femmes a appuyé un
projet de l’Académie du leadership
politique féminin, en l’aidant à mener
un cycle de formation à son terme à la fin du mois de
novembre et renforçant
ainsi les capacités d’environ
80 candidates potentielles aux prochaines élections. En outre,
dans le cadre du volet du Fonds pour la consolidation de la
paix
consacré à
la
prévention de la violence électorale, y compris la violence à l’égard des femmes, des discussions ont été organisées par ONU-Femmes,
avec le soutien du BINUH, autour
des mécanismes de lutte contre la violence électorale et politique
à l’égard des femmes
et des moyens d’atténuer les
stéréotypes de genre
dans les médias. Ces
forums ont rassemblé des membres des
institutions nationales, des organisations de la société civile et des médias, et
ont contribué à renforcer la
coordination dans la lutte
contre la violence de
genre et la stigmatisation, tout en sensibilisant le public aux obstacles que rencontraient
les femmes dans leur participation à la vie publique.
III.
Lutte contre la violence de proximité (objectif 2)
13.
Depuis mon dernier
rapport, la violence liée aux
bandes organisées est restée la
principale menace pour la
sécurité en Haïti,
les groupes armés cherchant encore à étendre leurs zones d’influence, notamment dans le pôle métropolitain de Port-au-Prince.
L’instabilité politique déclenchée par
l’assassinat du Président
Moïse le 7 juillet a
encore exacerbé les conflits
entre bandes, tout en offrant
à ces groupes la possibilité de s’aligner sur des
objectifs politiques et en permettant aux fauteurs de troubles
de les exploiter pour servir leurs objectifs économiques et politiques. En conséquence, les bandes
ont renforcé leur ancrage territorial
et politique dans les zones stratégiques de Port-au-Prince et de ses
environs, ce qui
leur donne le pouvoir de
bloquer à volonté les
principales voies d’approvisionnement
et les terminaux de carburant
du pays.
14.
Dans un défi
flagrant à l’autorité de l’État,
des membres de l’alliance des bandes
« G9 » ont empêché le
Premier Ministre Henry de tenir une cérémonie officielle dans le
quartier de Pont-Rouge (département de l’Ouest) à Port-au-Prince, le 17 octobre, en occupant la
zone où l’événement devait avoir lieu. De même, le 1er janvier, des bandes armées aux Gonaïves (département de
l’Artibonite) auraient ouvert le feu sur le Premier Ministre lors de la commémoration
de la fête de l ’indépendance.
L’incident, qui a été qualifié
par plusieurs médias de tentative d’attentat contre le Premier
Ministre, a suscité l’inquiétude générale et été sévèrement condamné par la communauté
internationale.
15.
Dans le quartier de Martissant
(département de l’Ouest), à Port-au-Prince, où un conflit entre
bandes fait rage depuis plus de six mois,
les civils continuent d ’être délibérément
et aveuglément pris pour cible. Le 1er décembre, des membres d’une bande ont attaqué un bus transportant 38 passagers dans le quartier, causant la mort de quatre hommes et d’une femme et blessant grièvement 11 autres personnes. Plus
récemment, il
s’est avéré que des bandes utilisaient des tireurs d’élite pour tirer
aveuglément sur des civils dans des zones contestées.
16.
La période
considérée a été marquée par une multiplication
du nombre d’enlèvements contre rançon et d’homicides volontaires,
qui ont augmenté respectivement de 180 % et 17 % par rapport à 2020,
soit 655 enlèvements et 1 615 homicides signalés
par la police. Les principaux
auteurs d’enlèvements étaient des bandes opérant dans les quartiers
sud de Port-au-Prince, notamment Martissant et Village-de-Dieu, et autour des communes de Croix-des-Bouquets et Tabarre (département
de l’Ouest). Les bandes de
cette région ont accru
l’ampleur et la gravité
des attaques, dont certaines ont
attiré l’attention des médias internationaux. Aucun groupe de la société n’a été épargné : les victimes
comptaient des ouvriers, des commerçants, des responsables religieux, des
professeurs, des médecins, des journalistes, des défenseurs des droits humains
et des citoyens étrangers.
17.
Face à ces tendances, la Police
nationale d’Haïti a entrepris des
opérations renforcées de lutte contre les bandes organisées, qui ont donné des résultats limités, bien
que parfois notables, comme l’arrestation
de plusieurs chefs de bande
connus. Les bandes ont
ensuite riposté par des attaques violentes et coordonnées contre des commissariats à Pernier (Pétionville, département de l ’Ouest),
le 15 novembre, et à Martissant,
le 6 décembre. Une recrudescence
des manifestations, marquée par 1
116 cas
de troubles civils en 2021,
soit une augmentation de 83,3 % par rapport aux 612 cas de 2020, et des travaux supplémentaires après le séisme,
notamment la sécurisation des installations gouvernementales et l ’escorte
de l’aide humanitaire et des livraisons
de carburant entre la mi-août
et le mois de novembre, ont
empêché la police nationale de lutter contre d’autres
formes de criminalité. Entre-temps, l’action concertée
des autorités nationales a permis la réouverture
de certaines écoles dans des quartiers où
sévissaient les bandes,
comme à La Saline, le
10 janvier, et à Cité-Soleil,
le 17 janvier.
18.
Le Premier
Ministre Henry a souligné qu’il importait
de renforcer la Police nationale d’Haïti et d’améliorer l’efficacité des
opérations de lutte contre
les bandes par des approches plus
équilibrées de la prévention et de l ’activité des
forces de l’ordre. Cependant, malgré plusieurs changements à
la tête
de l ’institution, notamment la nomination
d’un nouveau Directeur général par intérim, le
21 octobre, soit le troisième au
cours des 30 derniers
mois, les efforts visant à rendre opérationnelles les nouvelles
stratégies de la police – telles
que celles découlant des évaluations récemment effectuées par des partenaires bilatéraux de la
cellule contre enlèvement et de l’unité
de lutte contre les bandes
– continuent de se heurter à de
nombreux obstacles opérationnels et logistiques et au manque de
ressources. Le Premier
Ministre s’est engagé à améliorer les conditions
de travail de la police tout en demandant à la communauté internationale un soutien supplémentaire pour renforcer les capacités
opérationnelles, la formation et
les ressources en matériel. En
outre, il a annoncé que
différents ministères prendraient d’autres mesures
de réduction de la violence de
proximité en coordination
avec la police nationale, notamment
des programmes de travail contre rémunération, de formation professionnelle et de microcrédit.
19.
Plusieurs initiatives
gouvernementales visant à améliorer la sécurité
de la population ont progressé
au cours de la période
considérée, bien qu’elles aient
été initialement bloquées en raison
de la situation politique. La nomination du nouveau
cabinet fin novembre a permis de relancer la
diffusion de la stratégie nationale de désarmement, de démantèlement
et de réinsertion qui avait été approuvée en
juillet, la finalisation du projet de loi
sur les armes et les
munitions, ainsi que l’action menée par
l’ONU pour aider les autorités
haïtiennes à mettre en place
un cadre global de gestion
des armes et des munitions,
en collaboration avec le PNUD, le Centre
régional
des Nations Unies pour la paix, le désarmement et le développement
en Amérique latine et dans les Caraïbes
et l’Institut des Nations Unies pour
la recherche sur le désarmement. De même, la nomination,
au sein du Bureau du Premier
Ministre, d ’un coordonnateur national chargé d’associer
tous les pouvoirs publics à la
réforme de la sécurité et
à la réduction de la violence de
proximité, est une évolution
bienvenue. Le Premier Ministre Henry a également rencontré les membres de la Commission nationale
de désarmement, de démantèlement et de réinsertion pour la première fois le 3 décembre
et a exhorté les commissaires à poursuivre leur lutte contre la violence
des bandes en dialoguant avec les populations locales.
20.
Pour soutenir
l’action nationale de réduction de la
violence de proximité,
l ’ONU a poursuivi
l’exécution de plusieurs projets
financés par le Fonds
pour la consolidation de la paix. En septembre,
l’équipe de pays a
informé la direction de la police des résultats d’une évaluation
des besoins de la police
en matière de gestion des armes
et des munitions, y compris une proposition
de directives, d’instructions permanentes et d’outils de gestion. Le 29 septembre, la police a demandé que le projet soit
mis en œuvre et qu’il soit
axé dans un premier temps sur le renforcement de l’armurerie
centrale et l’amélioration de la gestion des permis de port d’armes pour les civils.
Dans les quartiers de Port-au-Prince,
Martissant et La Saline,
qui sont contrôlés par
les bandes, 13 plateformes
communautaires, comptant désormais 274 responsables communautaires (dont 40 % de femmes et
30 % de jeunes), ont été mises en place pour renforcer l’action
locale en matière de développement
socioéconomique. À La Saline,
le Bureau des Nations Unies pour
les services d’appui aux
projets (UNOPS) a également mené
des activités à haute intensité
de travail qui ont rapporté 15 jours de salaire
à près de 1 000 bénéficiaires (dont
environ 380 femmes) à la
fin de l’année. Un appui
a été apporté aux activités de
médiation dans les zones
touchées par les bandes,
où la Commission nationale de
désarmement, de démantèlement
et de réinsertion et l’organisation
de la société civile Lakou Lapè ont tenu plusieurs réunions avec les responsables des communautés locales pour discuter des initiatives de cessez-le-feu.
Les spécialistes de la médiation
ont également ouvert un dialogue
à Village-de-Dieu pour discuter de la faisabilité du retour pour les personnes
déplacées par la violence
des bandes.
21.
L’initiative Spotlight a continué de
soutenir les organisations
de la société civile et les institutions
gouvernementales pour améliorer l’accès
aux soins des rescapés de violence. Jusqu’à présent, 7
194 femmes
et filles rescapées de violences
ont bénéficié de services essentiels intégrés dans les départements
de la Grande-Anse, du Nord-Est, du
Sud et de l’Ouest. En outre,
42 025 adolescentes et adolescents
ont bénéficié de séances de
prévention de la violence fondée sur le genre. L’achèvement, en décembre, d’une analyse de l’environnement juridique a
permis de repérer, dans les
lois en vigueur, les dispositions
discriminatoires qui contribuaient à la violence envers les femmes
et les filles. L’ONU continue d’aider les autorités nationales à
renforcer le cadre juridique, conformément aux recommandations internationales, pour prévenir et
combattre la violence
de genre.
IV.
Sécurité et état de droit (objectif 3)
22.
Plus de sept mois après l’assassinat
du Président Jovenel Moïse, le
7
juillet, l’enquête et les poursuites judiciaires demeurent laborieuses. De nouvelles
allégations et rumeurs alimentent l’inquiétude du public
et la controverse persistante sur les circonstances de l’assassinat. En dépit
des problèmes de sécurité qui
continuent de se poser dans
les environs du tribunal de
première instance de Port-au-Prince,
aggravés par la perturbation générale des affaires
due à la crise aiguë du carburant d’octobre
et novembre, le juge d’instruction a réussi à entendre une trentaine
de suspects et de témoins, y compris l’ancienne
Première Dame, Martine Moïse, le 6 octobre
2021.
Quatre suspects
clés ont été appréhendés hors d’Haïti depuis octobre. Deux d’entre eux ont été
inculpés et sont actuellement détenus aux États-Unis, tandis que les deux
autres sont en attente d’extradition, respectivement depuis la Turquie et la
République dominicaine. Toutefois, le 22 janvier, le juge chargé de l’enquête a
annoncé qu’il se retirait de l’affaire, sur fond d’allégations de corruption
qui ont conduit le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire à ouvrir une enquête
à son encontre.
23.
L’opinion publique continue d’attendre
du Gouvernement qu’il
s’attaque
rapidement à la détérioration des
conditions de sécurité dans le pays, qui a été marquée
par une augmentation spectaculaire du nombre d’homicides et d’enlèvements contre rançon
en 2021. Les autorités haïtiennes et les partenaires internationaux restent mobilisés
pour soutenir les efforts de la
police dans la lutte contre les
bandes organisées et la mise en œuvre de réformes internes. Le 21 octobre, le
Premier Ministre, en plus
de nommer un nouveau
chef intérimaire de la Police nationale d’Haïti, a alloué 1 million
de dollars supplémentaires à l’institution pour soutenir ses opérations de lutte contre les
bandes et ses activités de renseignement.
Entre -temps, plusieurs unités spécialisées ont continué à recevoir une
formation et un soutien logistique
de la part de partenaires bilatéraux, et la mise en place de plusieurs mesures
administratives a contribué à régler des problèmes liés au mécontentement dans les rangs des forces de police qui avait été signalé en 2020 et au premier semestre 2021.
24.
Sur cette lancée,
la Police nationale d’Haïti s’emploie à déterminer d’autres besoins urgents qui seront pris en compte dans une stratégie d’intervention rapide et à court
terme visant à engager des réformes qui permettront de remédier aux carences
constatées dans les capacités opérationnelles et administratives
de la force. Ces mesures pourraient être soutenues
par la création d’un fonds commun
administré par le PNUD.
Des initiatives sont également en
cours d’élaboration afin de donner
suite aux conclusions du rapport de l’audit
effectué en 2021
par l’Inspection générale du Ministère
de l’économie et des finances
sur la gestion administrative et financière
de la police. Certaines d’entre elles
seront intégrées à l’élaboration du prochain plan de développement
stratégique pluriannuel de la police
nationale. Lors de la réunion ministérielle virtuelle sur
Haïti organisée par le Canada
le 21 janvier, les partenaires ont convenu
de renforcer leur soutien actuel
et futur au secteur de
la sécurité, notamment à la Police
nationale d’Haïti, afin de lutter
contre l’insécurité dans le pays.
25.
Malgré des
signes de progrès, la Police
nationale d’Haïti continue d’essuyer des
pertes d’effectifs. L’attrition progressive des
effectifs, estimée à 1 692 agents depuis 2017, représente
un défi majeur pour la force, qui comptait 15
497 agents, dont 1 711 femmes, au
5 janvier 2022, dont environ 10 % étaient
suspendus ou inactifs. La
remise des diplômes à 631 nouveaux agents de police, dont 132 femmes,
de la trente et unième promotion de
l’académie de police,
le 17 décembre, a partiellement
compensé les pertes. Pour augmenter le
nombre de femmes recrutées, des
sessions de renforcement des capacités pour les candidates
ont été organisées dans plusieurs
départements en 2021, dans
le cadre d’un projet
d’intégration des questions de
genre soutenu par le Canada. À la
suite de la remise
des diplômes du 17 décembre,
le ratio de policiers pour 1 000 habitants a légèrement augmenté pour atteindre 1,3, mais il
reste très inférieur à la norme internationale de 2,2 agents pour 1 000 habitants.
26.
Malgré la prestation de serment des nouveaux
membres du Conseil
supérieur du pouvoir judiciaire, le 1er octobre, l’appareil judiciaire haïtien continue de présenter
de graves déficiences structurelles. La lenteur avec laquelle les mandats des juges sont renouvelés, seulement 10 en décembre et janvier, après l’expiration du mandat d’environ 70 % des juges d’instruction du pays en
décembre 2021, continue d’entraver la capacité
des tribunaux à traiter et à juger
les affaires. En outre,
peu de mesures ont été prises pour
préparer l’entrée en vigueur
du code pénal et du code de procédure pénale en juin 2022 ou pour réfléchir avec les parties prenantes nationales
sur les questions
conflictuelles non réglées qui bloquent la progression de la réforme
judiciaire.
27.
Après avoir réaffirmé
que la réduction
de la détention
provisoire resterait une priorité absolue
de l’exécutif, le
nouveau Gouvernement a demandé aux
procureurs de faire en sorte d’augmenter le nombre d’audiences et d’exécuter rapidement les décisions
judiciaires. Au cours de la période considérée, la reprise des audiences correctionnelles dans la juridiction
de Port-au-Prince a
permis la libération de
284 personnes, dont 22 femmes et 2 mineurs, des prisons les plus surpeuplées du pays.
Néanmoins, le taux de détention
arbitraire et illégale
dans les prisons est resté extrêmement élevé, soit 81 %.
28.
Dans ce contexte,
l’ONU a continué à
soutenir les travaux du Conseil
national d’assistance légale et la mise
en œuvre de la législation
sur l ’aide juridique. En 2021,
les sept bureaux
d’aide juridique décentralisés
en activité ont
pris en charge 622 affaires, ce qui a conduit à 504
libérations et 118 condamnations. Pour tirer parti de ces progrès, le
21 décembre, le BINUH et le PNUD ont coorganisé un forum sur les besoins
d’aide juridique des groupes vulnérables de la population. Le forum, qui a été
partiellement financé par des fonds extrabudgétaires du Département des affaires politiques et de la consolidation
de la paix, a offert aux parties
prenantes une occasion cruciale d’améliorer leur collaboration
et leur communication et de formuler des recommandations pour améliorer l’accès
à l’aide juridique.
29.
Au 19 janvier,
les prisons haïtiennes
comptaient au total 11 003 détenus, dont 387
femmes, 237 garçons
et 18 filles, et leur taux d’occupation
global était estimé à 322 %, et 9 005
détenus étant en attente
de jugement. Le problème
de la surpopulation carcérale, qui fait que certaines
prisons accueillent actuellement cinq
fois plus de détenus que le nombre pour
lequel elles sont conçues, a été exacerbé par le déplacement de centaines de personnes
détenues dans trois prisons du sud du pays qui
ont subi d’importants dégâts lors du tremblement
de terre du 14 août. En raison
notamment de la crise
du carburant, les conditions
de détention se sont détériorées
au dernier trimestre de 2021. Tout au long de la crise du carburant,
les 18 prisons du pays ont peiné à
fournir des repas aux détenus et
à répondre à leurs besoins
de base, ce qui a
entraîné plusieurs cas de malnutrition grave. En outre, le
décès, le 17 novembre, d’un
détenu du Pénitencier national, qui aurait
souffert de complications liées à la maladie à coronavirus
(COVID-19), a soulevé des questions quant à l’adéquation de l’équipement et du personnel médical
dans une prison qui
abrite un tiers de la population
carcérale totale d’Haïti mais ne compte que 11 travailleurs sanitaires (1 pour 334 détenus).
Le 31 décembre, une tentative
d’évasion de la prison
de Croix-des-Bouquets a entraîné la mort de 10 détenus et d’un policier.
30.
Afin de remédier
aux conditions de
détention, le Directeur
général par intérim de la Police
nationale d’Haïti a nommé, le 10 novembre,
un nouveau directeur de l’administration pénitentiaire – le cinquième
en 11 mois – qui s’est rapidement attelé, aux côtés du Ministère de l’économie et
des finances et d’autres parties
prenantes, à la tâche de rétablir d’urgence l’approvisionnement des prisons en
nourriture. Le Ministère
de la santé publique et
de la population a réussi à éviter
une grave épidémie de COVID-19
dans le Pénitencier national en désinfectant
les cellules de la prison
et en imposant des mesures
d’isolement. Toutefois, aucune campagne de vaccination globale dans les prisons n’a encore été
lancée. Les partenaires techniques et
financiers ont continué à soutenir les autorités pénitentiaires dans la mise en place d ’un centre
de données sur la gestion de
la détention – un outil essentiel pour
accélérer le traitement
des détenus en attente de
jugement – et dans la
réhabilitation de la prison de
Petit-Goâve (département de l’Ouest),
un projet d’infrastructure pénitentiaire essentiel visant à soulager
la surpopulation qui a été retardé
en raison du tremble ment
de terre du 14 août.
31.
La corruption
profondément enracinée reste un
obstacle important à la gouvernance et à la cohésion sociale en Haïti. L’équipe de
pays des Nations Unies a mis au point une double
intervention au moyen du Fonds pour
la consolidation de la paix et d’une initiative
plus vaste avec d’autres partenaires internationaux clés. Le premier volet
consiste en un projet de
3 millions de dollars
dirigé par le PNUD et l’Office des
Nations Unies contre la drogue
et le crime (ONUDC) en coordination
avec des entités gouvernementales et la société civile.
Lancé en décembre 2021
pour une durée de deux ans, le
projet se concentre sur
le renforcement de la cohésion sociale et des relations entre l’État et la société
à travers des mécanismes de lutte contre
la corruption. Le deuxième volet
consiste en un processus mené
par le PNUD, l’ONUDC, l’UNOPS et le
Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme
(HCDH) visant à diagnostiquer les effets néfastes
de la corruption sur la paix et le développement,
à établir une définition
commune de la corruption et à jeter les bases
d’une stratégie globale conjointe de lutte contre
la corruption.
V.
Droits humains
(objectif 4)
32. Parallèlement à l’expansion de l’influence des bandes
organisées, les violations des droits
humains liées à la violence
armée se sont multipliées dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince.
Plus de 500 personnes, dont 40 femmes et des
enfants dont certains âgés de 5
ans seulement,
ont été tuées entre le 1er septembre et le 31 décembre.
La violence sexuelle, les viols et l’esclavage sexuel auraient également été utilisés
par les bandes comme moyens
de terroriser et d’affirmer leur
contrôle sur la population
locale. Chaque mois, des dizaines de
viols, d’agressions et d’enlèvements
seraient commis à l’encontre de filles et
de femmes rentrant de l’école
ou utilisant les transports publics. Les atteintes sexuelles sur la personne
de jeunes hommes servent aussi souvent des rituels d’initiation pour certaines
bandes. Compte tenu de l’environnement
coercitif qui prédomine dans
les communautés pauvres, où la peur
est un facteur de vie fréquent, les
spécialistes des droits humains
estiment que l’ampleur réelle de la violence
sexuelle reste largement
sous-déclarée.
33.
Dans ce contexte
sombre, les institutions de
l’État ont encore des
difficultés à prendre des mesures
pour garantir la sécurité
des personnes et faire respecter
les normes internationales
en matière de
droits humains.
La protection des
droits humains est
de plus entravée par des
bandes qui utilisent parfois les
uniformes et le matériel de la Police nationale d’Haïti pour commettre des
crimes – comme lors
du pillage et de l’incendie
du sous-commissariat de Martissant, le 6 décembre – dans le but de semer
la confusion et de perpétuer
la méfiance envers les autorités.
En outre, l ’État n’a toujours
pas de mesures adéquates en place pour protéger les défenseuses et défenseurs
indépendants des droits humains, les
journalistes et les autres personnes qui s’expriment publiquement et font l’objet de
menaces et d’intimidation.
Au cours de la période
considérée, deux journalistes ont été exécutés par
des éléments de bandes
présumés alors qu’ils enquêtaient
sur des faits de violence armée à la périphérie de la commune
de Pétionville. En outre, quatre défenseurs des droits humains, quatre journalistes, un juge, un avocat,
un médecin et un policier ont
été enlevés, menacés ou intimidés. Les autorités nationales n’ont pas
fait grand-chose au sujet de ces affaires.
34. Parallèlement, l’Inspection générale de la Police nationale d’Haïti a enregistré des plaintes concernant 36 policiers impliqués dans des violations des droits humains, dont au moins 15 concernaient des allégations d’homicides illégaux. Parmi ces enquêtes, sept ont été clôturées et soumises par la suite au Directeur général pour des mesures disciplinaires. Le faible nombre d’enquêtes menées à bien s’explique en partie par l’insécurité qui règne autour du siège de l’Inspection, dans le centre-ville de Port-au-Prince, et qui éloigne les victimes et les agents des lieux. L’insuffisance des moyens opérationnels pour mener les inspections, la faiblesse des salaires des agents et l’incapacité d’offrir une protection nuisent également aux capacités de contrôle de l’Inspection. Pendant la période à l’examen, au moins 10 policiers ont été tués lors d’assassinats ciblés, dont 3 policiers qui étaient en service. En outre, 28 agents ont été blessés, dont 15 étaient en service.
35.
L’appareil judiciaire haïtien
a continué de
se heurter à des obstacles importants qui l’ont empêché de rendre véritablement justice aux
victimes de violations des droits humains. Malgré les efforts de sensibilisation déployés par la société
civile et le BINUH, aucun
progrès digne de ce
nom n’a été enregistré dans les cas emblématiques des
massacres de Grande Ravine
( 2017), La Saline (2018) et Bel-Air
(2019). Les principaux suspects dans certains de ces
meurtres, dont le chef de l’alliance des bandes « G9 », continuent d’échapper à la justice malgré
leur présence dans des marches publiques et leurs apparitions dans les médias. Par ailleurs,
lors d’un cambriolage survenu le 27
octobre au tribunal
de première instance de Port-au-Prince, des documents confidentiels
relatifs à l’enquête sur l’assassinat
de Monferrier Dorval en août 2020
auraient été dérobés.
36.
Les populations
touchées par la violence
des bandes continuent d’être déplacées. À la fin du mois de janvier
2022, plus de 16 500 personnes,
dont quelque 11 850 femmes et
enfants, se trouvaient toujours en situation de déplacement
dû à la violence dans des
zones telles que Bas-Delmas, Martissant et le centre-ville de Port-au-Prince, et vivaient
dans des sites de fortune, des bâtiments publics ou chez des
proches. En plus de ces déplacés urbains, plus de 30
100 personnes restaient déplacées dans
les trois départements les plus touchés par le séisme (Grande-Anse,
Nippes et Sud). Grâce à un
processus concerté et participatif
d’évaluation des besoins
après une catastrophe, soutenu par l’ONU,
sous la direction du Coordonnateur
résident et de partenaires, l’État a fait le point sur
les droits et les besoins de
protection des groupes vulnérables, en particulier
des personnes vivant avec un handicap, qui
risquent le plus
d’être laissées pour compte pendant la phase
de relèvement.
37. Au cours de
la période considérée, les
autorités haïtiennes, assistées par l’Organisation
internationale pour les migrations (OIM) et
des organisations humanitaires non gouvernementales,
ont continué à enregistrer un grand nombre d’Haïtiennes
et Haïtiens rapatriés depuis d’autres
pays de la région. Au total,
plus de 16 390 migrantes et
migrants d’origine haïtienne ont été expulsés par voie aérienne
et maritime. Depuis septembre, le
rapatriement des migrantes
et migrants haïtiens a attiré l’attention de la communauté internationale, incitant les organismes
des Nations Unies à publier un
communiqué commun appelant à des mesures de protection
et à une approche régionale globale
de la question. La situation
migratoire a donné lieu à plusieurs
visites de haut niveau des
autorités américaines en Haïti et dans la
région, ce qui a créé des
occasions supplémentaires de dialogue sur
une approche commune de la crise haïtienne.
38.
En outre, au
moins 10 700 nationaux
haïtiens ont été expulsés
par voie terrestre de la République
dominicaine, parmi lesquels des centaines
de femmes enceintes et allaitantes. Du 8 au 13 novembre,
le Premier Ministre Henry a dépêché
en République dominicaine un envoyé spécial chargé de rencontrer un large éventail de
hauts fonctionnaires dominicains et de parties
prenantes, notamment des migrantes et
migrants haïtiens, des groupes de la société civile, des diplomates, le clergé catholique
et l’équipe de pays des Nations Unies, et de réaffirmer les relations solides entre les
deux pays à tous les niveaux.
39. En décembre, le Gouvernement haïtien a soumis son rapport national au Conseil des droits de l’homme au titre du troisième cycle de l’Examen périodique universel, dans le cadre duquel la situation des droits humains en Haïti sera examinée début 2022. Des représentantes et représentants des institutions nationales des droits humains, de la société civile et du corps diplomatique ont été invités à participer à une réunion de présession pour discuter de la situation préalablement à l’examen.
40.
Les activités
visant à établir un bureau
national du HCDH se sont poursuivies
et ont reçu des réactions positives de la part des partenaires nationaux et internationaux.
L’ouverture d’un bureau national permettrait de continuer à soutenir les
autorités nationales, la société
civile et les populations locales afin de garantir le respect, la protection et la réalisation
des droits humains en Haïti.
VI.
Chômage, jeunesse
et groupes vulnérables (objectif 5)
41.
La situation
économique d’Haïti reste préoccupante.
Alors que les niveaux de pauvreté
étaient déjà élevés, l’insécurité
permanente, l’instabilité politique et les problèmes
de gouvernance, récemment exacerbés par des pénuries
d’approvisionnement à l’échelle
mondiale, ont fait peser de lourdes contraintes supplémentaires sur la population.
42.
Dans l’ensemble, la situation macroéconomique
du pays demeure problématique. On estime que le produit
intérieur brut (PIB) réel pour 2021 s’est
contracté de 0,9 % pour
la troisième année consécutive (après
des contractions de 3,3 % en 2020 et de 1,7
% en 2019). Le recours important du Gouvernement à l’emprunt, qui
représente environ 80
% de l’écart budgétaire entre les recettes
et les dépenses, associé aux
perturbations de la chaîne
d’approvisionnement, a eu pour effet combiné
d’injecter plus d’argent dans
l’économie tout en réduisant les
possibilités de dépenses.
Les Haïtiennes et Haïtiens ont
donc subi une hausse des prix, l ’inflation
en glissement annuel ayant atteint
environ 19 % en octobre 2021. Toutefois, un déficit de
la balance courante de 0,3 % du PIB est
estimé pour 2021, contre un excédent
de 3,4 % en 2020.
43.
Les autorités
ont cherché à remédier à la baisse des recettes fiscales et à contenir le déficit budgétaire, estimé à
2,7 % du PIB en 2021. Signe
des difficultés financières de l’État,
le Gouvernement a modifié le
budget national 2020/21 fin septembre, ce qui risque
de compromettre la capacité de l’État à
financer l’exécution du plan de relance
post-COVID. La réforme
du prix des carburants adoptée par le Gouvernement le 10 décembre
– autre mesure visant à remédier à la situation budgétaire
précaire de l’État – devrait
permettre d’économiser quelque 300 millions de dollars
en subventions. Cela représente 2 % du PIB et près d’un tiers des recettes perçues.
44.
Le 23 août,
le Fonds monétaire international a permis aux
autorités haïtiennes d’accéder à des droits de tirage
spéciaux pour un montant
d’environ 224 millions de dollars. Cette initiative a permis d’alléger
le
fardeau financier du Gouvernement
et de maintenir les
réserves internationales nettes et
brutes à 4,9 mois des
importations prévues. Cependant,
entravé par un manque de réforme
de la gouvernance et l’absence d’un
programme à plus long terme soutenu par le Fonds,
l ’aide financière extérieure s’est
tarie depuis 2019. En décembre
2021, le pourcentage de prêts non productifs (ou prêts en défaut) était
resté globalement stable à environ 7,5
%, mais il faut des informations supplémentaires pour évaluer de façon
complète les risques sous-jacents
relatifs au crédit,
aux opérations, au marché et aux liquidités
avec lesquels les éventuelles banques prêteuses doivent compter.
45. Après les interventions de l’ancien Gouvernement en 2020 sur le marché des changes, qui ont entraîné une forte appréciation de la gourde, le taux de change s ’est progressivement déprécié. En conséquence, le Fonds monétaire international a travaillé avec les autorités pour encourager une plus grande souplesse du taux de change, ainsi que pour soutenir les réformes qui renforceront la gouvernance des marchés publics. À cet égard, des progrès ont récemment été accomplis avec la publication d’un nouveau décret sur la transparence des marchés publics, qui prévoit l’obligation de divulguer le nom des propriétaires des entreprises sélectionnées pour les marchés publics.
46.
Pendant la période
à l’examen, l’équipe
de pays des Nations Unies a continué à appliquer
sa nouvelle approche axée sur le renforcement
des capacités des institutions nationales à élaborer et mettre en
œuvre des politiques publiques
intégrées visant à remédier aux
problèmes persistants en matière
de développement. Sous la direction du Représentant
spécial adjoint, Coordonnateur résident et Coordonnateur de l ’action
humanitaire, sept organismes se sont réunis pour
soutenir le groupe de
travail du Gouvernement afin de rendre
opérationnelle la politique nationale de protection et de promotion sociale, qui vise à réduire les inégalités
économiques, sociales et
institutionnelles, et à contribuer
ainsi à l’édification d’une société plus juste
et inclusive. Des échanges entre les ministères compétents et les institutions financières internationales sur les aspects financiers de cette entreprise sont également en cours.
Sous la coordination générale de la Commission
nationale de la sécurité alimentaire, l’équipe de pays
des Nations Unies a engagé un processus similaire pour appuyer la mise en œuvre de la politique nationale de souveraineté alimentaire, de sécurité alimentaire et de nutrition.
47.
En outre,
afin de promouvoir un modèle
économique plus efficace et inclusif
en Haïti, l’équipe
de pays des
Nations Unies a entamé des consultations
avec les partenaires gouvernementaux concernés et les personnes ressources du milieu universitaire,
du secteur privé et de la société
civile au sujet d’un programme
de transformation économique. L’objectif
global est de formuler et
d’appliquer conjointement une feuille de route pour
les réformes économiques afin de contribuer à
la réduction des inégalités socioéconomiques horizontales, tout en favorisant
la consolidation de la paix.
48.
Le soutien
ciblé à l’autonomisation
économique des femmes, la lutte contre
la discrimination et l’élimination des obstacles à la mobilité
sociale restent des priorités essentielles de l’équipe
de pays pour aider Haïti à continuer de
progresser sur la voie
du développement durable. En janvier,
les bénéficiaires du programme d’entrepreneuriat de l’Institut national
de formation professionnelle, soutenu par l ’ONU, comptaient
650 filles issues des quartiers les plus défavorisés, ainsi que 50 entreprises
appartenant à des femmes. La discrimination fondée sur le genre
demeure cependant préoccupante. Une enquête menée
au titre du cadre national intégré pour
le financement du développement
durable, publiée en octobre, a révélé que 38 % des femmes
avaient fait état de discrimination lors de leur recherche d’emploi.
VII.
Services
sociaux de base et résilience des ménages
(objectif 6)
49.
Les déficits
de développement, les
effets à
long terme des catastrophes naturelles
et la détérioration des conditions de
sécurité ont exacerbé les
besoins humanitaires urgents en Haïti. Pendant
les trois mois
qui ont suivi le
séisme du 14 août – dont on estime qu’il a causé des dommages et des pertes équivalant à 11 % du PIB du pays – le Gouvernement et les partenaires humanitaires ont aidé quelque
450 000 personnes dans trois zones touchées, malgré les problèmes
d’accès humanitaire posés par la pénurie
de carburant et la violence
des bandes entre octobre et
mi-novembre. En effet, pendant
cette période, on estime que deux tiers
des acteurs humanitaires ont été contraints de réduire leurs opérations, ce qui a empêché l’acheminement de l’aide
à environ 700 000 personnes
dans tout le pays.
À ce jour, de larges segments
de la population piégés dans les territoires
contrôlés par les bandes restent
hors de portée des agents humanitaires.
50. Au 21 janvier,
l’appel éclair à dons de 187,3 millions
de dollars lancé pour
dispenser une aide
vitale d’urgence aux personnes
les plus vulnérables identifiées comme ayant besoin
d’aide dans les zones touchées était financé
à 43,4 %, tandis que le plan de réponse humanitaire
de 2021 n’avait reçu que 28
% des fonds nécessaires. Cette année,
le nombre d’Haïtiennes et Haïtiens
ayant besoin d’aide humanitaire devrait atteindre 4,9 millions (43 % de la population),
soit une augmentation de 11 % par
rapport à 2021.
51.
Au lendemain
du tremblement de terre d’août, l’équipe de pays des Nations Unies a agi rapidement
pour aider le Gouvernement à rétablir les services
essentiels. Le 4 octobre, le Ministère de l’éducation nationale et de la formation
professionnelle a engagé une action
symbolique de « retour à l’école
» pour aider environ 300 000 enfants à reprendre
progressivement leur scolarité dans les
trois départements touchés par le séisme.
Les efforts conjoints des
organismes des Nations Unies ont permis de construire
des espaces d’enseignement temporaires, de distribuer des fournitures
scolaires, de dispenser un
soutien psychosocial et d’effectuer
des transferts en espèces. Au
moins 230 écoles de ces
départements ont reçu une aide,
mais 1 019 autres écoles sont encore dans le besoin.
Pour assurer la protection des personnes déplacées par le tremblement de terre, des activités de sensibilisation
axées sur la prévention de la séparation des enfants et de l’exploitation et de la traite
des enfants ont été menées à l’intention
de plus de 10 000 bénéficiaires.
52.
Sous la direction du Bureau du
Premier Ministre et sous la supervision
technique du Ministère
de la planification et de la coopération externe, et avec le soutien
de l’ONU, de l’Union européenne, de la Banque mondiale et de la Banque
interaméricaine de développement, un rapport d’évaluation des besoins après la catastrophe
a été remis dans les six semaines suivant
le tremblement de terre, les ressources nécessaires au relèvement ayant été estimées à près de 2 milliards de dollars, soit 76 % attribués aux secteurs sociaux, y compris le logement, suivis
de 10 % pour les secteurs
productifs et de 9 % pour
le secteur des infrastructures.
Sur la base de cette évaluation, et avec le soutien
des partenaires, un cadre de relèvement a été élaboré sous la direction du
Ministère. Avec le concours de
l ’ONU, le Gouvernement
haïtien accueillera, le 16 février 2022 à Port-au-Prince, une manifestation internationale de haut niveau
sur la reconstruction d’Haïti afin d’obtenir
le soutien nécessaire à l’exécution du plan intégré de reconstruction
postséisme pendant les quatre prochaines années. Le Gouvernement
a demandé à l’ONU de
créer un fonds d’affectation spéciale pluripartenaire aux fins du processus de reconstruction postséisme.
53.
L’équipe de pays
des Nations Unies, en étroite coordination
avec le Gouvernement,
a continué d’appuyer
la fourniture de services sociaux de base dans tout le pays, en
particulier aux enfants
et aux femmes. Des services
de santé procréative ont été dispensés à 320 141 femmes pendant la période considérée,
notamment des services de planification familiale, des soins prénatals
et postnatals, des accouchements assistés, des soins postavortement
et la prise en charge des
patients vivant avec le VIH ou
d’autres infections sexuellement transmissibles. À la fin du
mois de décembre, ces interventions
avaient assisté plus de 29 535 naissances, donné lieu à 55 193 consultations prénatales du premier
trimestre et contribué
à réduire le nombre
de décès maternels évitables. Un centre de
santé maternelle doté d’une installation
chirurgicale complète a été ouvert à Anse-à-Pitres
(département du Sud-Est),
à la frontière avec la République dominicaine. Au 31 décembre,
plus de 6 328 personnes,
dont 3 737 femmes et
filles et 1 412 enfants de moins de 10 ans, avaient bénéficié de consultations et de traitements médicaux dans des
cliniques mobiles intégrées soutenues par l’ONU.
54.
Conformément aux
priorités nationales, l’équipe
de pays des Nations Unies a
aidé le Ministère de la santé publique
et de la population à élaborer des plans opérationnels pour sa stratégie de santé communautaire
2021-2031 afin d’améliorer
l’offre de soins aux populations vulnérables. L’une des
priorités du plan concerne les
sages-femmes, car seuls 15
% des besoins actuels du pays en
la matière sont satisfaits, alors que la
demande de sages-femmes est pourtant
en hausse. En partenariat avec l’Université d’État
d’Haïti et le Ministère
de la santé publique et
de la population, l’équipe de pays a
soutenu le renforcement des capacités et
le déploiement des sages-femmes et
la réglementation de leurs activités,
y compris le recrutement de personnel pour la Faculté des sages-femmes. Trois centres de
formation régionaux seront ouverts à
Port-au-Prince, aux Cayes
(département du Sud) et
à Limonade (département du Nord), dans le but de former
environ 120 sages-femmes par an pour répondre
aux besoins croissants.
55.
La situation afférente à la pandémie
de COVID-19 en Haïti reste préoccupante. Pendant la période
considérée, le pays est sorti d’une quatrième vague
d’infections et se préparait à une nouvelle vague potentielle
due au variant omicron. La
crise du carburant a entravé l’accès aux soins
hospitaliers et leur fourniture,
notamment l’oxygénothérapie pour les patients souffrant
d’infections graves. Malgré ces difficultés, les activités de surveillance
et de dépistage de la COVID
-19 et la riposte se sont poursuivies. Un total de 38 785 tests de laboratoire ont été effectués
entre le 1er octobre 2021 et le 14 janvier
2022, ce qui a permis
de confirmer 5 700 nouveaux cas.
En outre, 151 décès ont été signalés. La
vaccination contre la COVID-19
s’est également poursuivie, bien que lentement, en raison de problèmes
opérationnels et d’une faible demande. Au 14 janvier, la couverture
vaccinale globale de la population
éligible n’était que de 1,7 % pour
la première dose et de 1,1
% pour la vaccination complète. On s’attend
à une augmentation du nombre de
vaccinations en février
et mars, car les efforts
de communication s’intensifient
pour répondre à l’hésitation à se faire vacciner et
stimuler la demande.
56.
Enfin, selon le
dispositif de surveillance
actuel, aucun cas confirmé de
choléra
n’a été
signalé en Haïti depuis
janvier 2019. Le Gouvernement
haïtien organise un colloque scientifique dans le courant
du mois de février pour marquer le
troisième anniversaire du dernier
cas confirmé. Le colloque offrira
l ’occasion de présenter
les progrès accomplis en Haïti dans le
contrôle de l’épidémie
de 2010 à 2019, les enseignements
tirés et un plan à moyen
terme pour l ’éradication durable du choléra.
VIII.
Faits nouveaux concernant l’évaluation du mandat
du BINUH
57.
Le 29 décembre,
le Secrétaire général
a nommé M.
Mourad Wahba (Égypte) comme expert indépendant
chargé de diriger l’évaluation du mandat du BINUH
demandée par le Conseil
de sécurité dans sa résolution
2600 (2021). L’équipe en charge
de l’évaluation a effectué sa première visite en Haïti
du 21 au 27 janvier.
Les conclusions de l’évaluation devraient être transmises
au Conseil de sécurité d’ici
la mi-avril.
IX.
Exploitation et atteintes sexuelles
58.
Pendant la période
du 1er septembre
au 31 janvier, le BINUH n’a
enregistré aucune nouvelle allégation d’exploitation ou d’atteintes
sexuelles, le décompte ayant commencé à la date du déploiement
de la Mission des Nations
Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH).
59.
Conscient des risques accrus
d’exploitation et d’atteintes sexuelles dans
le contexte d’une réponse
humanitaire de grande envergure, le
réseau de protection
contre l’exploitation et
les atteintes sexuelles, sous
la direction du Coordonnateur
résident et Coordonnateur de
l’action humanitaire, a mené une campagne de
prévention à plusieurs volets.
L’action du réseau
reste indispensable, mais les fonds reçus
sont insuffisants pour financer le
poste de coordonnateur ou coordonnatrice du réseau, ce qui met en péril
les progrès réalisés.
60.
Avec le soutien du
Coordonnateur résident, de l’OIM et du PNUD, le BINUH et la spécialiste
hors classe des droits des victimes ont
mis en place des programmes
d’assistance pour 36 enfants nés
d’exploitation ou d’atteintes
sexuelles commises par le personnel de la MINUSTAH, et
pour leurs mères. La spécialiste
hors classe des droits des victimes a également intensifié ses activités de
sensibilisation auprès des États Membres afin d’accélérer le règlement des questions de paternité et des pensions
alimentaires pour enfants.
61.
Le BINUH a
pris note des signalements selon lesquels
des victimes d’exploitation et d’atteintes sexuelles commises par d’anciens
membres du personnel de
la MINUSTAH ne se seraient
pas manifestées parce qu’elles n’auraient
pas confiance dans les
mécanismes de l’ONU chargés de faire appliquer le principe de responsabilité
et de fournir une assistance. Il s’est engagé à instaurer une culture de la responsabilité, y
compris pour les manquements passés, et a poursuivi
son action de sensibilisation externe pour encourager les victimes
à signaler les faits. Le
fonds d’affectation spéciale en faveur
des victimes d’exploitation et d’atteintes
sexuelles est indispensable pour pouvoir apporter une assistance à long terme aux victimes
en Haïti.
X.
Observations
62.
La polarisation
persistante de la vie politique haïtienne continue d’empêcher l’instauration
du climat de confiance, de tolérance et de dialogue nécessaire à l’organisation d’un processus électoral pacifique,
crédible et transparent. À cet égard, je me félicite de
l’engagement continu du Premier
Ministre Henry à favoriser le dialogue afin
d’élargir davantage le consensus
et la vision commune. J’exhorte tous
les Haïtiens et Haïtiennes à s’entendre sur un projet national qui
facilitera la restauration
des institutions démocratiques nationales et remettra le pays sur la voie
de la stabilité politique, de la bonne gouvernance et du développement inclusif.
63.
Je condamne
avec la plus grande
fermeté la
montée alarmante de la violence dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, qui illustre tristement le fléau que représentent les bandes pour la société haïtienne. Les actes de ces groupes criminels armés ont eu un impact
catastrophique sur l’économie
d’Haïti et menacent les
droits fondamentaux de tous les citoyennes et citoyens haïtiens, notamment le droit à la
vie, à la liberté de mouvement, au travail, aux soins de santé et à l ’éducation.
64.
La principale
institution responsable de la sécurité
de tous les Haïtiens et Haïtiennes,
la Police nationale d’Haïti, est entravée par
des déficiences de développement,
un manque chronique de matériel et une pénurie de
soutien logistique et financier.
Il est essentiel que les autorités haïtiennes, les partenaires
bilatéraux et les institutions
multilatérales conçoivent de toute urgence une approche efficace et
collaborative pour assurer la professionnalisation
continue de la police nationale et promouvoir les effectifs
féminins. À cette fin,
les expressions de soutien émises lors
de la réunion ministérielle
internationale sur Haïti tenue le 21 janvier sont encourageantes,
et j’attends avec intérêt que
la dynamique qu’elle a générée en faveur
du renforcement de cette importante
institution porte ses fruits.
65.
Les problèmes
de sécurité d’Haïti ne
peuvent être réglés
efficacement par le seul maintien de
l’ordre. Il convient
de compléter l’action répressive par une volonté politique claire, une transformation socioéconomique et des
activités de réinsertion visant à générer des emplois et des revenus dans tout le pays, et plus particulièrement
dans les quartiers les plus touchés par
la violence des bandes. Les autorités haïtiennes ont adopté
une stratégie nationale de réduction de
la violence de proximité
fond ée sur une telle approche
holistique, et elles doivent
maintenant veiller à ce qu’elle
soit rapidement et intégralement mise en œuvre dans le cadre d’une
action faisant intervenir l’ensemble des
pouvoirs publics. À cet égard, je
me félicite des mesures prises par le Gouvernement
pour redynamiser les initiatives locales de réduction de la violence,
notamment par la nomination d’un coordonnateur national chargé de superviser
cet effort. L’ONU est
prête à appuyer la poursuite
de ce processus en apportant
des conseils et des compétences
techniques et en utilisant de
façon stratégique le financement
fourni par le Fonds pour la consolidation de la paix .
66.
Il faut également
des efforts soutenus pour s’attaquer
aux problèmes chroniques
qui gangrènent l’appareil
judiciaire haïtien. J’encourage les
autorités nationales à continuer à donner la priorité à la
lutte contre la détention provisoire prolongée et à appliquer
pleinement la législation sur l’aide juridique en
créant des bureaux d’aide juridique dans les 18 juridictions du pays.
J’exhorte en outre le Gouvernement à surmonter l’impasse
dans laquelle se trouve la mise en œuvre des principales réformes
du secteur de la justice, et
en particulier à redoubler d’efforts
pour faciliter et appuyer
l’entrée en vigueur, en temps opportun,
du code pénal et du code de procédure
pénale.
67.
Parallèlement, il
reste crucial que les
institutions haïtiennes deviennent plus transparentes et responsables. À cette fin, j’engage vivement le
Gouvernement haïtien à poursuivre
son action pour que les mécanismes de contrôle et les institutions judiciaires s’attaquent efficacement à
la corruption,
luttent contre l ’impunité et veillent
à ce que les auteurs de crimes
emblématiques et de l ’assassinat
du Président Moïse soient rapidement traduits en justice.
68.
Grâce à une approche énergique fondée sur l’initiative
« Unité d’action des Nations
Unies », des avancées progressives sont enregistrées
face aux déficiences systémiques et aux obstacles structurels qui empêchent
le pays de progresser
vers les objectifs de développement
durable. De lentes améliorations sont constatées
dans la lutte contre la corruption, les efforts de transformation économique et l’institutionnalisation
de politiques publiques intégrées en
faveur des plus vulnérables, qui tirent parti de la corrélation entre action humanitaire, développement et paix. Afin d’accroître les résultats de l’action, j’appelle
les partenaires internationaux d’Haïti
à soutenir ces initiatives, et je suis encouragé
par les discussions entre le Gouvernement, l’ONU et les partenaires
de développement sur les approches
visant à améliorer l’efficacité du développement
et à revitaliser la coordination de l’aide. Je me félicite
du dialogue sur l’action
prévu avec les partenaires de développement d’Haïti pour accroître
l’efficacité de la fourniture
de l’aide.
69.
J’exhorte les
États Membres et les partenaires
de développement à soutenir fermement les
activités de relèvement
après le tremblement de terre, notamment lors de la
conférence de haut niveau des donateurs organisée par
le Gouvernement haïtien, avec le soutien
de l’ONU. J’espère que la communauté internationale
sera solidaire du peuple haïtien, qui s’efforce de se relever et reconstruire en mieux.
70.
Cette année, plus
de 40 % des Haïtiennes et Haïtiens auront besoin d’aide
humanitaire. Alors que quelque 4,4 millions
de personnes vivent en
situation d’insécurité alimentaire, que le tremblement
de terre du 14 août 2021 a créé de nouveaux
besoins humanitaires et que 19 000 personnes
ont été déplacées par la violence des bandes dans le département de l’Ouest, il est impératif de fournir un
financement
humanitaire suffisant pour répondre à tous les besoins, y compris ceux qui
existaient déjà avant la dernière catastrophe naturelle qui a frappé Haïti. Je
demande donc instamment aux États Membres de combler le déficit de financement
humanitaire. J’appelle en outre les autorités nationales à assumer leurs
responsabilités en matière de protection des personnes les plus démunies,
notamment en veillant sans cesse à ce que le personnel humanitaire puissent les
atteindre sans obstacle.
71.
Je saisis
cette occasion pour remercier ma Représentante spéciale pour Haïti,
Helen Meagher La Lime, mon Représentant spécial adjoint, Coordonnateur résident et Coordonnateur
de l’action humanitaire, Bruno Lemarquis, et l’ensemble du personnel
des entités des Nations Unies actif dans le pays pour
leur travail inlassable et leur dévouement.
Comments