La fermeture de la frontière par Luis Abinader unifie les Haïtiens et divise les Dominicains
Depuis des années, Haïti patauge dans des crises politico-sociales ayant abouti à l’assassinat de son président. Au moyen d’un système bien établi sur une longue période, grâce aux mains cachées ou non des monstres politiques et des oligarques rapaces, des gangs commettent des actes de violence impitoyables contre la population haïtienne. Et cette violence a connu jusqu’à ce jour une escalade que même le “Viv Ansanb” promis par certains chefs de groupes armés n’a pas su contrôler : Fusillades sanglantes, tueries voire massacres ont donc été le lot quotidien de la société haïtienne.
Puis, est venue la fermeture de la frontière haïtiano-dominicaine par le président dominicain avec toutes les conséquences économiques qui en découlent. Pour illustrer son geste belliqueux qui est loin d’être une geste nationale (exploit) à voir les réactions de la société dominicaine, Luis Abinader envoie donc sur la frontière toute une force militaire composée des trois branches de son armée aux fins de montrer qu’il est très résolu dans cette décision pour le moins disproportionnée dans cette affaire de canal d’irrigation.
C’était bien compté mal calculé, Monsieur Abinader, ( estuvo bien contado y mal calculado, señor Abinader ), comme les haïtiens aiment répéter dans des situations où ils estiment avoir le dernier mot contre un quelconque adversaire qui se croyait malin.
En effet, depuis la décision tonitruante du président de la république voisine, différents secteurs de la société haïtienne se sont rapprochés en esprit pour faire face à ce conflit forgé de toutes pièces par le président dominicain.
Cette unification s’est manifestée et réverbérée sous plusieurs formes depuis tous les recoins de la ville frontalière de Ounaminthe et de Marribaroux jusque dans les “projects” à haut étage de la diaspora haïtienne vivant dans tous les coins du monde. L’unité pour la continuation de la construction du canal d’irrigation de la rivière Massacre n’est pas sans nous rappeler l’épilogue du livre de Les Gouverneurs de la Rosée de Jacques Roumain dans lequel l’auteur nous fait admirer la Koumbit parcourant les sentiers du village de Fond Rouge dans cette joie profonde suite à la trouvaille par Manuel de l’eau qui devrait arroser les champs des paysans pour de bonnes récoltes à venir.
En ce qui concerne le peuple haïtien, Ouanaminthe est maintenant le village de Fond Rouge ou, "dans la recherche d’ une ligne “d’action concrète, nous devons tourner nos regards vers la seule richesse réelle que nous possédons: la force paysanne de travail,” cette “force paysanne actuellement prisonnière de toutes les servitudes…. (Anthony Lespès 1944. Co fondateur du Parti Socialiste Populaire.)
Pendant ce temps, du côté dominicain, c’est maintenant la débandade pour ne pas dire déroute. Les petits commerçants ne savent pas où donner de la tête. Car leurs productions vivrières et leurs produits de quincaillerie pourrissent et languissent dans leurs stalles vu qu’ils ne peuvent plus traverser la frontière à cause de la décision impromptue d’Abinader, lui, sorti d’une famille aisée et qui certainement n’avait jamais connu le soleil ou la pluie au milieu des étalages de vente sur la frontière haïtiano-dominicaine afin d’écouler —pour quelques “pésos“—des produits commerciaux. Des voix s’élèvent alors de tous les coins de la République dominicaine pour railler Abinader en passe de devenir maintenant une tête de Turc du fait de sa décision de polichinelle.
Dans leur orgueil froissé, divers secteurs de la société dominicaine cherchent maintenant des subterfuges pour atténuer ou résoudre la crise. Et des éditorialistes de faire croire qu’Haïti est le coupable et que dans un esprit ‘magnanime’ la République dominicaine devrait rouvrir la frontière pour prouver sa bonne volonté. C ‘est ainsi qu’ un Fernando Rodriguez a écrit dans HOY que “Le gouvernement dominicain devrait offrir au monde une démonstration de bon sens, de sensibilité et de volonté de dialogue, s’il permettait la reprise du commerce binational entre Haïti et son pays, comme preuve sans équivoque qu’il souhaite la solution du conflit créé par le pays voisin avec sa décision unilatérale et en violation des accords de 1929 sur l’utilisation rationnelle et coordonnée des eaux de la rivière Massacre.” D’autres opinent que le problème resterait entier vu qu’ Haiti n’a pas d’interlocuteurs valides”. Alors que ce prétexte n’a jamais, au grand jamais, été invoqué quand la République dominicaine a auparavant permis sur son sol des combines pour nuire aux intérêts supérieurs de la nation haïtienne.
Entre-temps, le peuple haïtien doit rester pour une fois uni avec les riverains et paysans de Ouanaminthe s’il veut sortir victorieux de ce bras de fer qui lui est imposé par la république voisine, ce qui pourra l’aider peut-être, comme en 1804, à sortir du gouffre dans lequel il a été précipité depuis lors.
E65.-Revue de l’Actu avec KR-Plus Analyses/Opinions sur le Canal.
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