Titre : De Dessalines à Barbecue : Chronologie de l’évolution des gangs et milices en Haïti

 🧭 Introduction


Depuis 1804, Haïti est traversée par une dynamique persistante de violence non étatique. Des bandes rurales du XIXe siècle aux coalitions criminelles du XXIe, les groupes armés ont évolué en fonction des régimes, des crises et des stratégies de pouvoir. Ce parcours historique révèle une constante : les gangs ne sont pas des anomalies, mais des instruments, parfois soutenus par des élites locales et des puissances étrangères. Cet article retrace leur trajectoire, sans aborder l’aspect religieux, pour mieux comprendre leur rôle dans la fragmentation de l’État haïtien.


En Bas: Audio de cette présentation






⚔️ 1804–1850 : Bandes post-Dessaliniennes et Soulouque


Après l’assassinat de Dessalines en 1806, plusieurs bandes armées émergent :


• Jean Baptiste Goman dans la Grand’Anse mène une rébellion contre Pétion.

• Les groupes Malfait et Malfou dans le Sud sèment l’insécurité.

• Sous Faustin Soulouque, président puis empereur, ces bandes sont réprimées par l’armée impériale. Soulouque purge l’armée, crée une force privée, et mène des campagnes contre ces groupes qui défient l’autorité centrale.



Ces bandes posent les bases d’une violence informelle durable, souvent liée à des conflits de pouvoir ou de territoire.


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🪖 1915–1934 : Les Cacos face à l’occupation américaine


Durant l’occupation américaine, les Cacos deviennent les figures emblématiques de la résistance armée :


• Menés par Charlemagne Péralte et Benoît Batraville, ils s’opposent à l’armée américaine et au gouvernement haïtien collaborateur.

• Organisés et mobiles, ils bénéficient d’un soutien populaire dans les zones rurales.

• Leur répression brutale par les forces américaines marque la fin d’une forme de milice patriotique.



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🥷 1957–1986 : Les Tonton Macoutes de François Duvalier


Avec François Duvalier, Haïti entre dans une ère de terreur organisée :


• Les Volontaires de la Sécurité Nationale (VSN), surnommés Tonton Macoutes, sont créés pour contourner l’armée et réprimer l’opposition.

• Ils agissent comme une milice paramilitaire, semant la peur dans les quartiers populaires.

• Leur pouvoir repose sur l’impunité, la brutalité, et leur proximité avec le régime.



Sous Jean-Claude Duvalier, les Macoutes perdent en influence, mais leur modèle inspire les milices futures.


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🔥 1991–2004 : Les chimè et les OP sous Jean-Bertrand Aristide


Après la chute des Duvalier, les années 1990 voient l’émergence de nouvelles formes de violence politique :


• Le FRAPH (Front Révolutionnaire Armé pour le Progrès d’Haïti) est formé par les militaires pendant le coup d’État de 1991.

• Sous Aristide, les chimè et les Organisations Populaires (OP) sont mobilisés pour défendre le pouvoir contre les manifestations.

• Ces groupes deviennent semi-autonomes, se livrant à des actes de violence, d’intimidation et de pillage.


Ils marquent le passage des milices politiques à des gangs enracinés dans les quartiers.


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🏙️ 2004–2020 : Fragmentation et criminalisation


Après le départ d’Aristide, Haïti connaît une multiplication des gangs urbains :


• Les quartiers comme Martissant, Bel-Air, et Cité Soleil deviennent des bastions de groupes armés.

• Ces gangs s’impliquent dans les enlèvements, le trafic, et le contrôle économique local.

• L’État, affaibli, peine à reprendre le contrôle, et les interventions internationales restent limitées.


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🔗 2020–présent : Coalitions, emprise territoriale et soutiens en cravate


La décennie actuelle voit l’émergence de coalitions structurées :


• Le G9 an Fanmi e Alye, dirigé par Jimmy “Barbecue” Cherizier, regroupe plusieurs gangs puissants liés au pouvoir en place.

• Le G-Pep, coalition rivale, est associé à des partis d’opposition.

• Des gangs comme 400 Mawozo deviennent transnationaux, avec des liens en République dominicaine et aux États-Unis.



Mais ce qui distingue cette période, c’est le soutien actif de certains hommes politiques et acteurs économiques :


Selon un rapport du Conseil de sécurité de l’ONU, des personnages comme Michel Martelly, Youri Latortue et Reynold Deeb sont cités comme ayant fourni des fonds ou des armes à des groupes tels que Base 257, Village de Dieu et Ti Bwa.


🌐 Puissances étrangères : entre intervention et manipulation


Deux puissances régionales sont régulièrement citées dans les dynamiques de soutien ou de manipulation indirecte des gangs :


• Les États-Unis, tout en condamnant les violences, ont été accusés de tolérer certains réseaux pour des raisons géopolitiques. Washington pousse actuellement l’OEA à intervenir militairement en Haïti, en s’appuyant sur le précédent de 1965 en République dominicaine.

• La République dominicaine, qui a récemment classé les gangs haïtiens comme “organisations terroristes”, est accusée par certains analystes de jouer un double jeu : durcissement frontalier d’un côté, mais tolérance ou complicité indirecte dans le trafic d’armes et de munitions de l’autre.


Ces influences extérieures compliquent la crise haïtienne, en transformant les gangs en acteurs géopolitiques, parfois instrumentalisés pour des intérêts régionaux.



🧠 Conclusion


Mémoire et Responsabilités


De Goman à Barbecue, l’évolution des groupes armés en Haïti révèle une transformation profonde : d’abord résistants locaux, puis milices politiques, et enfin gangs territoriaux soutenus par des élites locales et des puissances étrangères. Chaque régime a façonné ses propres formations, souvent incontrôlables, qui ont fini par miner l’autorité centrale devenue elle aussi délinquante au profit - hélas - de certaines puissances étrangères.


Mais derrière cette violence, il y a des récits. Des figures oubliées. Des responsabilités partagées. Et surtout, une mémoire civique à reconstruire.


À la prochaine! En effet, j'ai bien dit à la prochaine pour plus, sur certains pans ou aspects oubliés ou non connus de l'histoire des gangs en Haïti.


NDLR: De petites erreurs se sont glissées dans l'impression du texte.mais le fond ou la substance restent corrects. Excusez-nous, SVP. Nous ferons mieux la prochaine fois.


Carl Gilbert, pour Haiti Connexion Network et Radio Francophonie Connexion




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