Pour ce qu'il
s'agit de la famine en Haiti, les critiques mettent en avant en avant deux idées principales : d’une part,
l’abondance supposée des produits alimentaires locaux en Haïti, couplée à un
faible pouvoir d’achat de la population qui expliquerait les difficultés
d’accès à la nourriture ; d’autre part, l’exagération présumée de la “famine”
par les pays étrangers dans le but de servir leurs propres intérêts (par
exemple, justifier des interventions humanitaires, obtenir des financements ou
maintenir une influence géopolitique). Je vais analyser cette affirmation de
manière structurée, en m’appuyant sur des données factuelles récentes (octobre
2025), des rapports d’organisations internationales et des opinions publiques.
Cette analyse vise à être équilibrée, en tenant compte des perspectives
critiques tout en confrontant les faits. J’ajoute un passage spécifique sur le
rôle potentiel du troc comme solution partielle, comme demandé.
1. L’Abondance
des Produits Alimentaires Locaux : Une Affirmation Non Soutenue par les Faits
La critique
suggère que les produits alimentaires haïtiens existent “en abondance”,
impliquant une production locale suffisante pour nourrir la population si le
pouvoir d’achat n’était pas si bas. Cependant, les données montrent que Haïti
n’est pas autosuffisante en matière alimentaire, et que la production locale
est loin d’être abondante.
• Production Agricole Actuelle : Haïti dépend
massivement des importations pour ses aliments de base, comme le riz (dont elle
est déficitaire et entièrement dépendante des importations pour le blé).
Environ 50 % de la population vit en zone rurale et se concentre sur des
cultures de subsistance (cassave, bananes plantains, maïs, ignames, patates
douces et riz), mais la production globale est insuffisante pour couvrir les
besoins nationaux. Par exemple, le département de l’Artibonite, principal
producteur de riz, ne couvre que 50 % des parcelles cultivées en riz du pays,
et l’agriculture n’a jamais récupéré des inondations d’importations américaines
dans les années 1980-1990, qui ont détruit la compétitivité locale. En 2022,
Haïti ne produisait que 70 000 tonnes de riz, contre des besoins bien
supérieurs.
• Facteurs Limitants : La production est
entravée par des catastrophes naturelles récurrentes (sécheresses, ouragans),
l’insécurité due aux gangs (qui bloquent les routes et les chaînes
d’approvisionnement), et un effondrement historique de l’agriculture causé par
des politiques étrangères. Jusqu’aux années 1980, Haïti était presque
autosuffisante, mais des importations subventionnées (notamment de riz
américain sous Reagan et l’influence du FMI) ont forcé les paysans à migrer
vers les villes pour des emplois sous-payés, décimant le secteur agricole.
Aujourd’hui, la violence des gangs fait pourrir les récoltes sur place ou
empêche leur distribution, aggravant la pénurie réelle. 
• Pouvoir d’Achat vs. Accès Physique : Le
faible pouvoir d’achat (lié à une pauvreté extrême, avec un PIB par habitant
parmi les plus bas du monde) est un facteur, mais il n’explique pas tout. La
crise est multidimensionnelle : 5,7 millions de personnes (près de la moitié de
la population) font face à une insécurité alimentaire aiguë en octobre 2025,
avec une projection à 6 millions d’ici mi-2026.    Ce n’est pas seulement une question d’argent ;
c’est l’accès physique à la nourriture qui est bloqué par les gangs, forçant
des familles à la famine malgré des stocks potentiels.  
En résumé, l’idée
d’abondance est infondée. Haïti produit peu par rapport à ses besoins, et les
critiques qui l’affirment ignorent souvent les données agricoles objectives, se
basant peut-être sur des observations locales isolées ou des mythes persistants.
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| Manioc |
2. L’Exagération
de la Famine par les Pays Étrangers : Une Critique Partiellement Valide, mais
Exagérée Elle-Même La seconde partie
de la critique accuse les pays étrangers d’exagérer la famine pour des intérêts
personnels (financements humanitaires, influence politique, ou justification
d’interventions). Cette vision fait écho à des discours nationalistes haïtiens et
à des analyses critiques, mais elle doit être nuancée.
• La Réalité de la Crise : Les rapports
d’organisations comme l’ONU, le PAM (Programme Alimentaire Mondial), l’UNICEF
et la FAO confirment une crise sévère, classée parmi les plus graves au monde
(niveaux “catastrophiques” d’insécurité alimentaire dans cinq pays, dont
Haïti).     Près de 600 000
enfants sont déplacés, et la malnutrition aiguë touche des centaines de
milliers. Ces chiffres proviennent d’analyses indépendantes (comme l’IPC -
Integrated Food Security Phase Classification), pas seulement de gouvernements
étrangers.  Minimiser cela comme une “exagération” risque de nier la souffrance
réelle, documentée par des ONG sur le terrain.
• Rôles et Intérêts Étrangers : Il y a
cependant une base historique à cette critique. Les pays étrangers, notamment
les États-Unis, ont contribué à la crise alimentaire par des politiques qui
violent le droit à l’alimentation (obligations extraterritoriales).   Par exemple,
l’importation massive de riz subventionné a détruit l’agriculture locale,
créant une dépendance.   Des épidémies comme la fièvre porcine africaine
(utilisée pour justifier des importations américaines) ont été
instrumentalisées pour dominer le marché alimentaire haïtien. Sur les réseaux
sociaux, des voix haïtiennes accusent les Clinton et les États-Unis d’avoir
“décimé” l’agriculture pour des intérêts économiques, ou d’utiliser le narratif
de “l’État en faillite” pour masquer leur complicité. Une publication récente
qualifie les rapports sur 6 millions de personnes en faim aiguë de “conneries”
propagées par l’ONU et l’USAID pour attirer des dons.
• Intérêts Propres ? : En effet, l’aide humanitaire
peut servir des agendas : tied aid (où les dons profitent aux donateurs), ou
justification d’interventions (comme la nouvelle “Force de Suppression des
Gangs” approuvée par l’ONU).  Cependant, affirmer que la famine est “exagérée”
pour cela ignore que la crise est réelle et exacerbée par des facteurs internes
(gangs, corruption) autant qu’externes. Les critiques nationalistes ont raison
de pointer la complicité historique, mais elles sous-estiment parfois la
gravité actuelle peut-être pour des raisons idéologiques.
Passage
Supplémentaire : Le Rôle Potentiel du Troc comme Solution Partielle à la Crise
Alimentaire
Dans un contexte
où le faible pouvoir d’achat et l’effondrement monétaire rendent l’accès à la
nourriture difficile, le troc (échange direct de biens ou de services sans
recours à la monnaie) pourrait représenter, selon certains, une solution locale et immédiate
pour atténuer en partie les effets de la famine en Haïti. Bien que non
documenté comme une pratique généralisée dans les rapports actuels sur la crise
haïtienne, le troc a prouvé son efficacité dans d’autres pays en développement
confrontés à des crises similaires, comme au Zimbabwe pendant l’hyperinflation
des années 2000 ou au Venezuela lors de la pénurie alimentaire des années 2010,
où les communautés échangeaient des produits agricoles contre des outils, des
vêtements ou des services médicaux.  
En Haïti, où l’agriculture de subsistance
persiste dans les zones rurales et où les gangs bloquent les chaînes
d’approvisionnement formelles, le troc pourrait permettre aux fermiers de
troquer des récoltes excédentaires (comme des mangues ou du maïs) contre
d’autres biens essentiels, bypassant ainsi les problèmes de liquidités et
réduisant la dépendance aux importations coûteuses. Des initiatives
communautaires, telles que des marchés locaux informels ou des réseaux de
voisinage, pourraient être encouragées par des ONG pour structurer ces
échanges, favorisant la résilience locale et renforçant les liens sociaux.
Cependant, le troc n’est pas une panacée : il reste limité par l’insécurité
(risques de vol lors des échanges) et ne résout pas les causes structurelles
comme la faible production ou les interférences étrangères. Il pourrait
compléter des solutions à plus long terme, comme l’investissement dans
l’agriculture durable, en offrant un filet de sécurité immédiat pour les
populations vulnérables.

Voici le texte d'une initiative lancée par Dr Carl Gilbert à ce sujet sur la plateforme WhatsApp de ce média social.
Conclusion
Cette critique
capture une vérité partielle : les pays étrangers ont historiquement contribué
à la dépendance alimentaire d’Haïti, et les narratifs humanitaires peuvent
masquer des intérêts géopolitiques.
Cependant, elle a tort elle-même de nier l’insuffisance réelle de la production locale et la sévérité de la crise
(confirmée par des sources multiples et indépendantes).
Le faible pouvoir
d’achat est un symptôme, pas la cause unique ; la violence des gangs et les
disruptions d’importations créent une pénurie effective.
Pour une solution
durable, il faudra investir dans l’agriculture locale, réduire les
interférences étrangères et explorer — comme souligné en haut — des mécanismes comme le troc pour des
impacts immédiats, plutôt que de minimiser la crise alimentaire en Haïti.